Droit comparé 1
Début des cours : le lundi 11 septembre 2023, au 48 boulevard Jourdan, salle R 2/02 à 8h30
Textes de Kelsen et Hart
KELSEN, Théorie générale du droit et de l’État (1945, éd. fr. LGDJ, 1997, trad.. Béatrice Laroche et Valérie Faure, p. 99) :
"Il n’existe toutefois qu’un seul droit positif ou, si nous voulons rendre compte de l’existence des différents ordres juridiques, il n’existe qu’un seul droit positif valant pour chaque territoire. Son contenu ne peut être établi qu’au moyen d’une méthode objective. Les faits objectivement vérifiables sont la condition de l’existence des valeurs de droit. Aux normes de droit positif correspond une certaine réalité sociale, mais il n’en va pas de même pour les normes de justice. Les jugements de valeur juridique sont des jugements pouvant être vérifiés objectivement à l’aide de faits".
HART, Le concept de droit (1961, éd. Facultés Saint-Louis, 1976, trad.. Michel Von de Kerchove, extraits des pages 116 à 125) :
"Il est évidemment possible d’imaginer une société dépourvue de législation, de tribunaux ou d’autorités publiques de toute espèce ;¦ nous dirons d’une telle structure sociale qu’elle est une structure de règles primaires d’obligation ; si les doutes surgissent quant à savoir quelles sont les règles ou quant à la portée précise d’une règle déterminée, il n’existera aucune procédure pour mettre fin à ce doute, soit par référence à un texte obligatoire, soit à une autorité dont les décisions ont force obligatoire sur ce point… ce défaut qui affecte la structure sociale élémentaire qui ne consiste qu’en des règles primaires, peut être qualifié d’incertitude. Un second défaut consiste dans le caractère statique des règles. Le troisième défaut de cette forme élémentaire de vie sociale réside dans l’inefficacité de la pression sociale diffuse qui assure le maintien des règles. La forme la plus élémentaire de remède à l’incertitude qui affecte le régime des règles primaires, consiste en l’introduction de ce que nous appellerons une "règle de reconnaissance". Celle-ci déterminera un ou plusieurs traits qui peuvent être considérés comme indiquant une manière positive et décisive que la règle visée qui les possède, constitue bien une règle du groupe, et qu’elle devra être soutenue par la pression sociale exercée par le groupe. Elle peut, comme dans le droit reculé de nombreuses sociétés, résider dans le seul fait que la liste ou le texte authentique des règles se trouve contenu dans un document écrit ou gravé sur quelque monument public. Il est certain, d’un point de vue historique, que ce qui sépare un système pré-juridique d’un système juridique peut se franchir par étapes distinctes, dont la première consiste en la simple rédaction écrite de règles jusqu’alors non écrites. En fournissant un signe distinctif qui fait autorité, elle introduit, quoique sous une forme embryonnaire, l’idée d’un système juridique : désormais, en effet, les règles ne constituent plus seulement une série discontinue et sans relation les unes avec les autres, mais, d’une manière élémentaire, elles se trouvent unifiées.
Le remède au caractère statique du régime des règles primaires consiste en l’introduction de ce que nous appellerons des règles de changement. La forme la plus élémentaire d’une telle règle est celle qui habilite un individu ou un corps de personnes à introduire de nouvelles règles primaires, pour la direction de la vie du groupe, ou d’une catégorie au sein de celui-ci, et à éliminer les règles anciennes. Il existera évidemment une relation étroite entre les règles de changement et les règles de reconnaissance : car si les premières existent, les secondes comporteront nécessairement une référence à l’élaboration des lois, considérée comme un critère d’identification des règles.
Le troisième complément ajouté au régime élémentaire des règles primaires, dans le but de remédier à l’inefficacité de la pression sociale qui le caractérise, consiste en des règles secondaires habilitant des individus à résoudre d’autorité la question de savoir si, en des circonstances particulières, une règle primaire s’est trouvée transgressée. La forme la plus élémentaire de décision consiste à trancher de telles questions, et nous appellerons les règles secondaires qui confèrent le pouvoir de le faire des " règles de décision" (rules of adjudication). Comme les autres règles secondaires, ces règles définissent encore un groupe de concepts juridiques importants : en l’occurrence, les concepts de juge ou de tribunal, de pouvoir juridictionnel ou de jugement".
Baudouin Dupret, Droit et sciences sociales, Paris, Armand Colin, 2006
La confusion du contrôle social et du droit est particulièrement problématique. "Appeler du nom de droit toutes les formes de régulation qui ne sont pas du droit étatique obscurcit l’analyse " (Merry, 1988 : 878). Le problème vient de ce qu’on confond concepts descriptifs et non descriptifs. Le droit appartient à ces derniers, au sens du moins qu’il n’a jamais été constitué en un instrument heuristique des sciences sociales. Quand ils font du droit le synonyme de la norme sociale, les auteurs génèrent une ambiguïté, dans la mesure où ils utilisent un mot qui a une signification de sens commun pour réaliser une tâche analytique qui va à l’encontre de ce sens. Autrement dit, on peut se poser la question de l’utilité analytique de l’usage du mot " droit " pour décrire ce que le sens commun n’associerait jamais au droit (comme les bonnes manières, par exemple), surtout si ce prétendu concept n’est porteur d’aucune particularité qui le distinguerait d’autres termes moins connotés (comme la norme) ou serait au contraire le porteur " clandestin " des traits propres de ce à quoi il s’oppose. En fait, ce qui se niche dans cette confusion, c’est la dissolution du droit en tant qu’objet d’intérêt spécifique pour les sciences sociales. Le problème procède sans doute de la crainte que d’aucuns ont éprouvée qu’en ne conférant le label de droit qu’à un type de système normatif spécifique, on en arrive à renvoyer les sociétés sans droit (ou sans ce droit) à une condition pré-moderne, voire inférieure. Il n’y a toutefois aucune raison, à moins d’adopter une perspective évolutionniste faisant du droit d’un lieu et d’un moment donné, l’aboutissement de la courbe du progrès, de considérer que le droit soit une vertu et son existence, l’indice d’un statut supérieur.
Le contrôle social et le droit sont deux choses différentes : " Les normes vécues sont qualitativement différentes des normes reconnues et appliquées par les institutions du droit, parce que celui-ci implique la ‘positivisation’ des normes : les normes deviennent des normes ‘juridiques’ quand elles sont reconnues comme telles par les acteurs du droit " (Tamanaha, 1993 : 208). Cette affirmation est parfaitement fondée, bien que la ligne de partage ne courre pas tant entre normes vécues et normes positivées qu’entre le droit, tel que les gens (quels qu’ils soient) le reconnaissent et s’y réfèrent, et les autres ordres moraux et normatifs, tels que les gens (quels qu’ils soient) les reconnaissent et s’y réfèrent. Autrement dit, le droit n’est pas un concept analytique, mais seulement ce que les gens disent être du droit, avec l’avantage que ce type de position permet de dénier la pertinence d’une question qu’une centaine d’années d’anthropologie et de sociologie du droit n’a pu résoudre, à savoir la question des frontières de la juridicité. L’existence du droit n’est manifestée que par son auto-affirmationou, plus exactement, par le fait que les gens l’identifient comme tel. Cela n’empêche nullement d’étudier la normativité en général, mais cela ne devrait pas se faire sous le chapeau d’une anthropologie du " droit".
Un des écueils auxquels se heurte le culturalisme vient donc de sa tendance à réifier les sociétés et leurs caractéristiques, c’est-à -dire leur culture, et partant à donner à leur droit une nature fonctionnelle, homogène, figée et holiste. D’une part, le culturalisme juridique trouve un relais puissant dans le fonctionnalisme. Ce n’est, en effet, qu’à la condition d’attribuer à des institutions autrement incommensurables une équivalence fonctionnelle qu’il est possible d’affirmer à la fois l’hétérogénéité des cultures, l’appartenance de ces cultures à une commune humanité et le privilège de l’analyste qui est doté de la science lui permettant d’accéder à ces cultures, de les traduire les unes aux autres et de se faire la conscience d’un humanisme universaliste. D’autre part – et souvent avec les meilleures intentions du monde –, les chercheurs ont forgé des concepts tels que " droit populaire ", " droit indigène ", " droit autochtone ", " droit importé ", " droit transplanté ", " droit officiel ", " droit étatique ", " droit officieux ", " droit primitif ", etc. Outre les problèmes de définition du terme " droit " que ces termes comportent, ils ont surtout tendance à présumer l’existence de quelque chose qui serait un " vrai " droit, reflet d’une société " authentique " dont les principaux caractères culturels seraient traduits en règles de conduite. Ce type d’interprétation " nativiste " offre un tableau très naïf du droit qui est loin d’être soutenu par une base empirique substantielle. Le soi-disant droit " indigène " ou " autochtone " n’a souvent jamais existé que dans les têtes de ces chercheurs, en dépit du fait qu’il a été élevé au rang d’étalon de mesure du degré d’" acculturation " juridique. La conception du droit en termes fondamentalement holistes, c’est-à -dire en tant que le droit serait l’une des multiples réverbérations d’un principe explicatif plus large, à savoir la culture, est dotée d’un fort arrière-goà »t d’essentialisme génétique, en vertu duquel les sociétés et les lois les caractérisant seraient pourvues, tout au long de leur histoire, de caractéristiques permanentes que les incidents de l’histoire ne viendraient que superficiellement égratigner. De ce fait, l’interrogation culturaliste porte davantage sur la question métaphysique du " pourquoi " que sur la question ontologique du " comment ", alors même que prêter attention à la deuxième question leur permettrait de remarquer que le droit n’est ni nécessairement ni intégralement partie de la culture et que la culture n’est pas un ensemble de postulats permanents et préexistants, mais quelque chose de continuellement produit, reproduit, négocié, quelque chose vers quoi les membres de n’importe quel groupe social s’orientent ponctuellement et contextuellement.
À vrai dire, la culture n’est qu’une des multiples composantes du contexte, toujours singulier, jamais uniforme, dans lequel se déploient les pratiques du droit. Supposer que cette composante culturelle est primordiale fait courir le risque de ne pas prêter suffisamment d’attention aux autres composantes possibles, toutes choses vers lesquelles les membres d’un environnement judiciaire, par exemple, s’orientent pourtant de manière pratique dans le cours de leurs actions. Cela fait aussi planer le danger de surestimer l’impact de la culture, à quoi s’ajoute le fait que le culturalisme a pour corollaire la non-traductibilité. Ainsi, tel concept formulé en arabe ne pourrait être adéquatement perçu en français, parce que son essence ne serait accessible que dans sa langue de formulation originelle. C’est ce qu’on appelé le " bouclage culturaliste ", qui procède d’un double phénomène : l’extrapolation abusive à partir d’un savoir spécifique ; l’aporie de la spécialisation locale et historique. Par extrapolation abusive, on entend la tendance à considérer que la connaissance d’un terme propre à une culture permet de disserter, en général, de tout ce qui est prédicativement attribué à cette culture, tandis que, par aporie de la spécialisation, on entend la tendance qui consiste à n’expliquer le local que par le local et l’actuel par l’historique. Il s’agit d’une aporie parce qu’elle refuse la pertinence de l’extériorité pour décrire un phénomène social et réduit donc la démarche scientifique à la paraphrase éventuellement savante de la narration des cultures. Il faut, cependant, constater que cette paraphrase, dans sa conception comme dans sa performance, se situe radicalement en dehors de ce qu’elle décrit. La réduction des termes courant du lexique à leur étymologie est un exemple du premier volet de l’aporie. C’est ainsi qu’il ne serait plus possible de parler de droit, dans le contexte de sociétés arabo-musulmanes, mais qu’il faudrait exclusivement se référer aux termes de charia, de fiqh et de qanun, qui seuls permettraient de rendre compte de la nature incommensurable du phénomène " chariatique ". Le deuxième volet de l’aporie tient à ce que même le commentateur arabe de la charia est en position d’extériorité, comme tout commentateur l’est par rapport à ce qu’il commente. L’aporie consiste donc à promouvoir l’intégration à la chose dont on parle, alors que la volonté d’en parler implique de lui être extérieur. Notons en outre que, pour affirmer qu’il convient de parler de charia, de fiqh ou de qanun plutôt que de droit, il faut encore pouvoir disposer d’équivalences lexicales entre ces termes, c’est-à -dire reconnaître qu’ils sont commensurables.
Nous considérons, au contraire, que tout phénomène, quel que soit le langage de son expression, reste toujours traduisible dans une autre langue et accessible à l’observation et à la description. Autrement dit, il n’est pas de culture inaccessible à l’entendement humain. D’une certaine manière, dire d’une culture, entre autre juridique, qu’elle est ineffable revient à renvoyer l’humanité dans la transcendance et à se refuser les moyens de l’observer. Cela suppose, toutefois, " plutôt que de prétendre lire par dessus l’épaule d’un autochtone imaginaire un texte achevé dans une forme culturellement standardisée, [de suivre] ligne après ligne la production continue d’un discours autochtone réel " (Moerman, 1987 : 5). Si certaines spécificités en viennent à devoir être attribuées à un contexte culturel, elles ne devraient pour autant pas être considérées comme intraduisibles. Parce que notre entendement est irréductiblement humain, mondain, et que toute volonté de s’en abstraire est vouée à l’échec, les phénomènes sociaux, quel que soit le langage de leur expression, restent toujours traduisibles dans une autre langue et accessibles à l’observation et à la description. Bien loin d’être inaccessibles, " leurs significations peuvent être connues et sont naturellement connues : elles sont gouvernées par des conventions grammaticales qui peuvent être déterminées et font partie de l’équipement conceptuel de l’espèce humaine, en dépit de la distribution empirique différenciée de leur usage effectif et des différents types de jeux de langage dont elles font l’objet dans différentes cultures "
Deuxième séance TD
Constitution de l’Afrique du Sud, 1996, art ; 39 1) When interpreting the Bill of Rights, a court, tribunal or forum  must promote the values that underlies an open and democratic society based on human dignity, equality and freedom ; must consider international law ; and may consider foreign law. 2) When interpreting any legislation, and when developing the common law or customary law, every court, tribunal or forum must promote the spirit, purport and objects of the Bill of Rights. 3) The Bill of Rights does not deny the existence of any other rights or freedoms that are recognised or conferred by common law, customary law or legislation, to the extent that they are consistent with the Bill.
Duncan Fairgrieve, Horatia Muir Watt, Common Law et tradition civiliste, Paris, PUF, 2006 :
Sur le plan institutionnel, les deux traditions semblent de différencier essentiellement à travers l’opposition entre pouvoir judiciaire (dans les droits non codifiés) et simple autorité judiciaire (dans les systèmes de droit codifié) et par le caractère constituant de la rule of law dans la tradition de common law, dépourvue de constitution écrite… A l’ordre rationnel du droit codifié, naturalisant à cet égard les catégories romaines, semble s’opposer le " chaos indexé " du common law, en ce sens que ce dernier se prête difficilement à une systématisation à partir de concepts ou de principes juridiques exclusifs ou cohérents… Si les différences d’ordre institutionnel et procédural contribuent à expliquer l’opposition méthodologique entre les deux traditions, il est bien plus difficile d’identifier, parmi les solutions de fond consacrées de part et d’autre, ce qui relève de choix contingents de politique sociale et économique effectués au sein d’un système donné et ce qui s’explique par l’appartenance à une tradition. Par ailleurs, il serait erroné de nier l’existence de points communs, y compris ceux qui émergent à l’époque contemporaine entre droits français et anglais sous l’influence tentaculaire du droit communautaire ou sous la pression des valeurs fondamentales… Il n’en reste pas moins qu’il existe bien des oppositions proprement traditionnelles qui relèvent de part et d’autre de l’essence de la pensée juridique (centralité de la personne dans la tradition civiliste, relations entre droit et marché dans la tradition de common law).
Neil Vidmar, Valerie P. Hans, American Juries. The Verdict, 2007, p. 345 :
Over fifty countries around the world have jury systems modeled in varying degrees after the original English common law jury. Many European nations use “mixed tribunals†of judges and laypersons to decide serious criminal offenses. In recent years, a number of countries have introduced or reintroduced the jury or other forms of lay decision making into their legal systems. Juries seem to constitute part of a move away of from a totalitarian regime to one of greater democracy. Russia resurrected its jury system in the early 1990s as the Soviet Union collapsed. Similarly, as Spanish dictator Franco’s regime ended, Spain introduced trial by jury. Japan is scheduled to debute Saiban-in Seido, a form of mixed tribunal, beginning in 2009. In South Korea, after political and democratic reforms there, the legislature recently passed a bill providing for jury trials in serious criminal casesâ .
Pierre Avril, Jean Gicquel in L. Cadiet (dir.), Dictionnaire de la Justice, Paris, PUF, 2004, p. 413-414
"L’élection ne concerne aux Etats-Unis que les juges des Etats. La nomination des juges fédéraux appartient en effet au Président en vertu de la constitution, alors que les Etats sont compétents pour déterminer les modalités de désignation des leurs magistrats, et l’élection est actuellement retenue par la majorité d’entre eux. Le premier Etat à la pratiquer fut le Mississipi en 1832, et le système se répbadit, en dépit des critiques qu’il avait alors suscitées ; ces critiques mettaient en cause la capacité des électeurs à discerner chez les candidats les qualités requises d’un magistrat, ainsi que la politisation inhérente à des élections que les partis avaient prises en main, dans ce domaine comme dans les autres. Ces critiques n’ont pas cessé, bien que des aménagement aient été adopté pour y répondre, mais les électeurs des Etats demeurent très attachés à l’élection des juges. Aujourd’hui, sur les trente Etats où les juges sont élus, dix-spet d’entre eux ont recours à la non-partisan election, c’est-à -dire sans étiquette politique, tandis que dans les treize autres Etats il s’agit de partisan election où les candidats sont investis par les partis. Mais, dans les vingt Etats restants, où les juges sont généralement nommés par le Gouverneur parmi les candidats figurant sur une liste établie par une commission indépendante, certains pratiquent le système dit gubernatorial appointment with retention election, qui prévoit que le candidat nommé doit se faire confirmer par les électeurs quelque temps après avoir pris ses fonctions. Dans l’année qui suit, par exemple, les électeurs sont invités à répondre à la question : "Le juge X doit-il être nommé pour un mandat complet ?". Un référendum similaire se tient à intervalle régulier pour confirmer les fonctions du juge qui, à la différence des juges fédéraux, n’est pas nommé à vie, mais pour un mandat de huit à quatorze ans."
F. Ferrand, Droit privé allemand, 1997, p. 23-24 :
"Au 31 décembre 2000, l’Allemagne avait 20 880 magistrats du siège (dont 5 780 femmes) et 5 044 membres du ministère public et ce pour 685 tribunaux cantonaux, 116 tribunaux régionaux et 24 tribunaux régionaux supérieurs. L’Allemagen possède également 52 tribunaux administtratifs , 16 tribunaux administratifs supérieurs, 123 tribunaux du travail, 19 tribunaux régionaux du travail, 19 tribunaux des finances, 69 tribunaux du contentieux social La Cour fédérale de justice a enregsitré 5685 recours en matière civile et 3 582 en matière pénale Les délais de jugement sont très raisonnables"
L’élection des juges dans les cantons suisses, document du Tribunal fédéral
L’élection des juges varie considérablement d’un canton à l’autre et suivant le degré de juridiction. Ainsi, les juges sont soit élus par le peuple ou par le parlement, soit par les tribunaux supérieurs ou par le gouvernement. Parfois, les juges de première instance sont élus par le peuple et les juges supérieurs par le parlement. II existe une tendance à confier de plus en plus l’élection des juges au parlement, auquel sont soumises des propositions émanant des partis politiques, du gouvernement ou du tribunal cantonal suprême. Cela est dû au fait qu’il est devenu difficile pour le peuple d’apprécier avec une objectivité et une con- naissance de cause suffisantes les capacités des candidats, compte tenu notamment de la complexité des tâches qui leur incombent. 1.3.8 Conditions et procédure d’élection II n’existe pas en Suisse d’école de la magistrature, ni de concours nationaux pour des pos- tes de juge, tels qu’on les trouve dans certains pays beaucoup plus grands et centralisés, où des milliers de juges doivent être nommés et répartis sur le territoire national. II n’y a pas non plus, pour les mêmes raisons, de conseil national de la magistrature, compétent, entre autres, en matière disciplinaire, de promotions, de transferts. Du fait qu’ils sont élus par le peuple, directement ou par l’intermédiaire du parlement, les candidats à un poste de juge doivent être soutenus, voire proposés, par des partis politiques. II va de soi que cela ne doit avoir aucune influence sur l’impartialité du juge, qui n’est soumis qu’à la loi et qui se fait un point d’honneur de ne s’inspirer que de celle-ci avec conscience, indépendamment de ses convictions politiques personnelles et de l’appui obtenu de tel ou tel parti lors de son élection. 1.3.9 Election pour une période déterminée Contrairement à ce qui est le cas dans beaucoup de pays, les juges ne sont élus en Suisse que pour une période déterminée. La règle veut cependant que, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels, ils soient réélus, ce qui est possible jusqu’à la limite d’âge expressément prévue ou habituelle (elle varie entre 65 et 70 ans, la tendance la plus récente allant vers la limite inférieure).
Utiliser les textes suivants sur l’indépendance de la justice pour répondre à toutes les questions (que vous trouverez après les textes) :
1) Extraits de textes constitutionnels en vigueur :
Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne (1949) : Article 92 : Le pouvoir de rendre la justice est confié aux juges ; il est exercé par la Cour constitutionnelle fédérale, par les Cours Fédérales prévues par la présente loi fondamentale et par les tribunaux des Länder. Article 97 : 1) Les juges sont indépendants et ne sont soumis qu’à la loi. Les juges nommés définitivement à titre principal dans un emploi permanent ne peuvent, avant l’expiration de leurs fonctions et contre leur gré, être révoqués, suspendus définitivement ou temporairement de leurs fonctions, mutés à un autre emploi ou mis à la retraite qu’en vertu d’une décision de justice, et uniquement pour les motifs et dans les formes prévues par la loi. 2) La législation peut fixer les limites d’âge auxquelles les juges nommés à vie sont admis à faire valoir leurs droits à la retraite. 3)En cas de modification de l’organisation des tribunaux ou de leurs ressorts territoriaux, les juges pourront être mutés à un autre tribunal ou relevés de leurs fonctions en conservant toutefois le bénéfice de l’intégralité de leur traitement.
Inde, Constitution de 1950 Art 124 : Il y aura une Cour suprême de l’Inde consistant dans un Chief Justice of India et, jusqu’à ce que le Parlement prescrive par la loi un effectif plus important, de pas plus de sept autres juges. Chaque juge de la Cour suprême sera nommé par le Président. Un juge de la Cour suprême ne sera pas privé de ses fonctions, sauf par un ordre du Président décidé après une adresse votée à la majorité des deux tiers présents de chaque chambre du Parlement pour une telle révocation fondée sur une inconduite prouvée ou une incapacité. Art. 217 : Chaque juge d’une High Court sera nommé par le Président après consultation du Chief Justice of India, du Gouverneur de l’Etat et du Chief Justice de la High Court
Italie, constitution de 1948, article 104 La magistrature constitue un ordre autonome et indépendant de tout autre pouvoir. Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le président de la République. Le premier président et le procureur général de la Cour de cassation en font partie de droit. Les autres membres sont élus, pour deux tiers par tous les magistrats ordinaires parmi les membres des différentes catégories, et pour un tiers par le Parlement réuni en congrès parmi les professeurs d’université titulaires de chaires de droit et les avocats ayant quinze ans d’exercice professionnel.
Turquie, constitution de 1982, révisée en 2011 et 2017 Article 138 Les magistrats sont indépendants dans l’exercice de leurs fonctions ; ils statuent conformément à la Constitution, à la loi et au droit et selon leur conviction intime. Nul organe, autorité, instance ou individu ne peut donner d’ordres ou de directives aux tribunaux ou aux magistrats, leur envoyer des circulaires, ou leur faire de recommandations ou suggestions concernant l’exercice de leur pouvoir juridictionnel. On ne peut ni poser de question ni organiser de discussions ni faire de déclarations d’aucune sorte à l’Assemblée législative en rapport avec l’exercice du pouvoir juridictionnel dans le cadre d’un procès en cours. Les organes du législatif et de l’exécutif de même que l’administration sont tenus de se conformer aux décisions des tribunaux ; ils ne peuvent en aucune manière modifier les décisions des tribunaux ou en retarder l’exécution. Article 139 Les juges et procureurs sont irrévocables et ne peuvent, sauf consentement de leur part, être mis à la retraite avant l’âge fixé par la Constitution ; ils ne peuvent pas être privés de leurs traitements, indemnités et autres droits relevant de leur statut, même pour cause de suppression d’un tribunal ou d’un poste. Les exceptions prévues par la loi en ce qui concerne ceux qui ont été condamnés pour une infraction entraînant la radiation de la profession, ceux dont il est formellement établi qu’ils sont dans l’incapacité de remplir leurs fonctions pour raisons de santé et ceux dont le maintien au sein de la profession a été jugé indésirable, sont réservées.
2) Extraits des Principes fondamentaux sur l’indépendance de la Justice, adoptés par le 7e Congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et le traitement des délinquants :
"L’indépendance de la Justice sera garantie par l’Etat et inscrite dans la constitution ou dans le droit du pays. C’est le devoir de toutes les institutions gouvernementales ou autres de respecter et d’observer l’indépendance de la justice. La Justice décidera des matières portées devant elle de manière impartiale, sur la base des faits et en accord avec le droit, sans aucune restriction, sans influences indues, pots-de-vin, pressions, menaces ou interférences, de manière directe ou indirecte, de qui que ce soit et pour aucune raison… Les juges ne seront sujets à suspension ou révocation que pour des motifs d’incapacité ou de conduite qui les rend incapables de remplir leurs devoirs"
3) Extraits de Joseph J. Darby, "Garanties et limites de l’indépendance ", RIDC 2003 :
"L’indépendance judiciaire a toujours fait partie intégrante du système juridique des Etats-Unis. En effet, cela fait partie de l’héritage du common law anglais. Avec la Glorieuse Révolution de 1688 et l’Act of Settlement de 1701, un changement important eut lieu. Les juges anglais exercent dorénavant leurs fonctions non pas au gré de la Couronne, mais tant qu’ils auront bonne conduite… Les juges ne pouvaient être démis de leurs fonctions que par décision commune des deux chambres législatives du Parlement, une procédure extrêmement difficile à mettre en oeuvre. La partie la plus importante de l’article III (de la constitution fédérale des Etats-Unis de 1787) est la "clause de charge et d’indemnité" qui prévoit que tous les juges fédéraux jouissent de leurs charges à vie avec la garantie de "ne pas voir leurs traitements diminuer en cours de fonction ". Tous les juges fédéraux sont nommés par le Président, et doivent être confirmés par le Sénat, et exercent leur fonction à vie. Ils ne peuvent être démis de leur fonction que par une mise en accusation (Impeachment). Jusqu’à présent, le Congrès a mis en accusation 13 magistrats. Sept ont été condamnés et révoqués de leurs fonctions. Il n’existe pas de système uniforme de sélection des juges d’Etat. De manière générale, trois méthodes de sélection peuvent être identifiées : 1) l’élection ; 2) la nomination ; et 3) ce qu’on appelle la sélection " au mérite". Ce dernier système est utilisé par 34 Etats (pour au moins une partie des juges). Vingt Etats organisent des élections partisanes concernant certains, voire la totalité des postes de juges d’Etat. Tout magistrat nommé doit gagner la prochaine élection générale afin d’être maintenu en poste. En Californie, en 1986, l’électorat a rejeté trois magistrats de la Cour suprême à l’occasion d’une réélection très médiatisée. Clairement, les juges d’Etat considèrent l’exigence d’élections périodiques (et la nécessité de lever des fonds pour les financer) non seulement comme un danger pour la continuité de leur carrière judiciaire, mais aussi comme une forme d’influence extérieure sur leur pouvoir de rendre des décisions de justice, et par la même une mise en cause du principe d’indépendance des juges ".
4) Extrait de Roland Serousi, Introduction au droit comparé, 3e éd., 2008, p. 12 :
Comparaison des deux droits occidentaux majeurs : les familles de common law et romano-germanique : Caractéristiques dans un tableau avec l’entrée "Etat de droit " (soumission des pouvoirs publics au droit)
Famille de common law : séparation des pouvoirs et indépendance marquée de la justice
Famille romano-germanique : séparation des pouvoirs, mais indépendance de la justice moins prononcée
5) Extraits de Nuno Garoupa, Tom Ginsburg, "Guarding the Guardians ! Judicial Councils and Judicial Independence ", American Journal of Comparative Law, 2009 :
Les Conseils de la Magistrature sont des corps qui sont destinés à mettre les fonctions de nomination, de promotion et de discipline des juges à l’abri des procédures politiques et partisanes, tout en assurant un niveau identique de responsabilité. La France établit le Conseil Supérieur de la Magistrature en 1946. Le Conseil judiciaire italien (Consiglio Superiore della Magistratura) créé en 1958 fut le premier à isoler complètement le judiciaire du contrôle politique, un modèle qui a été suivi par d’autres réformes judiciaires. L’Espagne et le Portugal ont des modèles légèrement différents introduits après la chute des dictatures dans les années 1970, dans lesquels les juges constituent une partie significative des membres du Conseil. Ces conseils ont le pouvoir de décision finale en ce qui concerne les promotions, les nominations et les révocations. Le système judiciaire italien est caractérisé par son extrême indépendance, le Conseil judiciaire contrôlant tous les aspects des nominations et promotions des juges ordinaires. La composition du Conseil fut changée en 2002 pour accroître le rôle du Parlement. Le modèle franco-italien a été exporté en Amérique latine et dans d’autres pays en voie de développement. La Banque mondiale et d’autres agences multilatérales de financement ont même fait des conseils judiciaires une composante des mesures de réforme institutionnelle associées aux programmes d’Etat de droit. La responsabilité des juges est apparue comme le second but de ces conseils. Cela est très net pour les Conseils judiciaires de pays de droit civil, comme l’Allemagne, l’Autriche ou les Pays-Bas, qui ont moins de compétences que le modèle franco-italien. Le recrutement des juges dans le pays de common law a traditionnellement fait appel à des avocats plus âgés qui ont un spectre plus étendu d’expérience et de socialisation que les juges des pays de droit civil. De ce fait, la responsabilité des juges a été un facteur déterminant dans le système des nominations judiciaires. Au Royaume-Uni, le Constitutional Reform Act de 2005 a créé un Comité des nominations judiciaires responsable des nominations seulement sur la base du mérite. Dans beaucoup d’Etats des Etats-Unis, les préoccupations sur les modes traditionnels de sélection des juges (nomination par des politiques ou élection par le peuple) conduisent à l’adoption de "Commissions du Mérite " pour écarter les politiciens partisans des nominations judiciaires et pour fonder les choix sur le mérite. Les "Commissions du Mérite" peuvent être considérées comme analogues aux Conseils judiciaires, bien que leur domaine d’activité soit plus limité. Nous avons utilisé les mesures d’indépendance judiciaire proposées par Howard et Carey (2004). Ils ont analysé les rapports annuels du Département d’Etat sur les droits de l’homme pour produire des modèles de variables sur l’indépendance individuelle, collective et surtout judiciaire... Il semble que l’émergence de conseils judiciaires, comme une bonne pratique internationale, pour promouvoir l’indépendance et la qualité de la Justice, puisse ne pas être justifiée."
6) Extraits du jugement du Tribunal constitutionnel polonais, 24 juin 1998 : "L’article 6 de la loi du 17 décembre 1997 amendant la loi sur l’organisation de la justice ordinaire constitue un fondement permettant de révoquer le juge de sa fonction pour le contenu de ses jugements et sa façon de diriger la procédure judiciaire. Le Tribunal constitutionnel considère que la constitutionnalité de l’introduction de telles dispositions peut être appréciée uniquement en référence au passé du système judiciaire polonais où les libertés et les droits fondamentaux n’étaient pas respectés. Si on limitait l’analyse à la période révolue en 1989, il conviendrait de rappeler qu’à l’époque avaient lieu des atteintes à l’indépendance tellement graves qu’il est toujours nécessaire de les relever et de les élucider. La notion d’indépendance des juges a été employée par la Constitution de 1997 sans qu’elle en précise le sens, mais il est certain que les auteurs de la Constitution ont fait appel dans ce cas à un "terme ancien" dont la compréhension était encore possible dans la Pologne de l’entre-deux-guerres et qui, aujourd’hui, est employé souvent dans de nombreux documents internationaux. Si le législateur contemporain, élu démocratiquement, considère que les affaires non résolues du passé sont toujours d’actualité, il a le droit, afin de les élucider et d’en tirer éventuellement des sanctions nécessaires, d’établir des procédures extraordinaires de responsabilité à l’encontre de juges dont le comportement serait inacceptable à l’heure actuelle."
7) Extraits de Lorne Neudorf, The Dynamics of Judicial Independence, 2017, à propos de la situation au Pakistan suite à la prise du pouvoir par le général Musharraf en 1999 : "Le Président Musharraf éleva Iftikhar Muhammad Chaudhry à la fonction de Chief Justice de la Cour suprême. Après une série de décisions de la Cour suprême contraires aux intérêts du Gouvernement, le Chief Justice fut pressé de démissionner. Quand il refusa, Pervez Musharraf suspendit le Chief Justice et adressa une plainte au Conseil judiciaire pour lancer une enquête à son sujet pour abus de pouvoir. Les avocats protestèrent contre cette suspension lors de grands rassemblements publics. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance de la Justice lança des appels urgents au Gouvernement du Pakistan.Le 20 juillet 2007 un panel de 13 juges de la Cour suprême jugea que la plainte devant le Conseil judiciaire était illégale et que le Chief Justice devait être réinstallé. le 7 octobre 2007, Pervez Musharraf obtint sa réélection comme président… Le 3 novembre 2007 Pervez Musharraf déclara l’état d’urgence et décida d’un second "ordre constitutionnel du Président" (après celui de 1999) qui suspendait la constitution et critiquait l’activisme judiciaire. Les juges furent requis de prononcer un nouveau serment en vertu de cet ordre constitutionnel. Plus de 40 juges refusèrent de prêter serment. Après de nouvelles élections, Pervez Musharraf démissionna en 2008. Le nouveau Président réinstalla les juges révoqués en 2009".
8) Extraits de la décision de la Supreme Court of USA, Batson v. Kentucky (1985)
"Durant le procès criminel, conduit contre le requérant, un homme noir, par une Cour de l’Etat du Kentucky, le juge conduisit l’examen (ou voir dire) des personnes tirées au sort comme jurés et excusa un certain nombre de personnes tirées au sort. Le ministère public utilisa ensuite son pouvoir discrétionnaire de récusation pour écarter quatre personnes noires tirées au sort et le jury sélectionné fut composé uniquement de personnes blanches. Le conseil de la défense remit en cause le jury au motif que la récusation par le ministère public des personnes noires tirées au sort violait les droits du requérant protégés par les VIe et XIVe amendements à avoir un jury tiré d’une sélection croisée de la communauté et de son droit à l’égale protection des lois selon le XIVe amendement. Extrait de l’opinion de la Cour par Justice Powell : le requérant doit, d’abord montrer, qu’il est membre d’un groupe racial identifié et que le ministère public a exercé son pouvoir discrétionnaire de récusation des personnes tirées au sort pour écarter du jury des membres de la race du requérant. Le requérant peut aussi s’appuyer sur le fait que les récusations constituent une pratique de sélection du jury qui permet aux personnes qui veulent discriminer de le faire. Finalement, le requérant doit montrer que de tels faits et d’autres circonstances pertinentes conduisent à inférer des choix du ministère public qu’il a voulu exclure des personnes tirées au sort du petit jury sur le fondement de la race. Une fois que le requérant a démontré cela prima facie, le fardeau de preuve revient à l’Etat pour avancer une explication neutre de la récusation des jurés noirs. De même que la clause d’égale protection des lois interdit aux Etats d’exclure du tirage au sort des personnes noires sous prétexte que les noirs formeraient un groupe incapable de servir comme jurés, cette clause interdit aussi à l’Etat d’exclure les personnes noires tirées au sort sous prétexte que leur jugement serait biaisé du seul fait que l’accusé est noir. La garantie essentielle de l’égale protection, assurant que l’Etat ne discriminera pas sur le fondement de la race, serait dénuée de sens si nous approuvions l’exclusion des jurés sur cette base."
9) Extraits d’une décision de la Cour suprême de l’Inde (Le principal conflit qui oppose aujourd’hui la Cour suprême au gouvernement BJP Modi concerne le 99e amendement voté à la presque unanimité en aoà »t 2014 pour instituer un Comité des Nominations Judiciaires, composé du Chief Justice (dont l’avis était prépondérant selon la jurisprudence de la Cour suprême), de deux juges, du Law Minister et de deux lay persons choisies parmi des personnalités éminentes. Pour déclarer l’inconstitutionnalité de cet amendement constitutionnel visant (sur fond d’accusations de corruption) à brider le pouvoir judiciaire, la Cour suprême a eu largement recours, dans sa décision du 16 octobre 2015 (compliquée par une question de récusation d’un des juges, lui-même membre du comité des nominations judiciaires), aux exemples étrangers sur les processus de désignation des magistrats : "SC of India, Advocates-on-Record Association v. Union of India, 16 octobre 2015, la Cour suprême (dans une des opinions des 5 juges) après avoir cité une étude de Laura E. Little (1995) sur la sélection des juges fédéraux aux États-Unis, dit à propos d’un article de Nuno Garoupa et Tom Ginsburg (2008, il est question notamment de l’Italie, de la France, mais aussi du Brésil, de l’Autriche, de Costa Rica) :
§ 178. En analysant les conclusions tirées de cet article, on est amené à conclure que, dans l’évolution des sociétés à travers le monde, la tendance est à libérer le judiciaire du contrôle politique et de mettre en place un système de sélection et de nomination des juges fondé exclusivement sur le mérite. C’est seulement alors que la procédure de judicial review sera effective pour soutenir la construction de la nation. La diminution du rôle de l’exécutif et de la participation politique en matière de nomination de hauts magistrats est une réalité évidente. Il est donc impératif de conclure que la participation du Ministre de l’Union indienne en charge du Droit dans le processus du Comité Judiciaire, de même que la participation du Premier ministre et de la Chambre basse dans la sélection de personnalités extérieures pour ce Comité, est un pas rétrograde qui ne peut être accepté."
10) Extraits d’un article de Maïder Gérard, Libération, 19 juillet 2017 : "Si la Pologne n’arrête pas ses réformes judiciaires controversées, elle pourrait encourir des sanctions inédites a statué mercredi la Commission européenne… Les Polonais s’inquiètent ses actions du PIS (Parti droit et justice), les ultraconservateurs au pouvoir. Les manifestants demandent au Président de la République d’utiliser son droit de veto pour empêcher la mise en application des lois modifiant le système judiciaire votées samedi par la Sénat. La première loi porte sur le statut du Conseil supérieur de la magistrature et prévoit la révocation immédiate de tous les membres de ce Conseil, qui seront remplacés par de nouveaux magistrats désignés par le Parlement à la majorité simple. Le deuxième texte prévoit la modification du régime des tribunaux de droit commun, dont les présidents pourront être licenciés et nommés par le ministre de la Justice. "
11) Extraits du texte adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 25 avril 2017 :
"L’Assemblée exprime sa vive préoccupation concernant l’échelle et la portée des purges effectuées dans l’administration publique, le système judiciaire et de nombreuses institutions publiques, visant des membres supposés du mouvement gà¼leniste. Ces mesures ont eu de profondes répercussions sur le fonctionnement des institutions étatiques : un quart des juges et des procureurs ont été révoqués. "
Questions (chacune sur 5 points, répondre à toutes les questions) :
1 Peut-on parler de modèles constitutionnels sur l’indépendance judiciaire, qui seraient susceptibles de transplants juridiques ? Y a-t-il des différences sensibles entre traditions des pays de common law et traditions des pays de droit civil sur ce sujet ? Quels sont les arguments en faveur ou à l’encontre d’un concept universel d’indépendance judiciaire ?
2 A partir des textes (en expliquant leur nature, normative ou doctrinale), vous comparerez les différents moyens d’assurer l’indépendance judiciaire. Vous les mettrez en relation avec d’autres caractères des systèmes juridiques (présence d’un contrôle de constitutionnalité ou non, structures fédérales ou non, présence de juges religieux ou non.
3 Toujours à partir des textes, vous comparerez les situations où l’indépendance judiciaire est niée, limitée ou entravée, en mettant en évidence les moyens constitutionnels, législatifs ou autres susceptibles de diminuer l’indépendance des juges. Vous prendrez en compte les facteurs tenant à l’histoire et à la politique des Etats considérés.
4 Dans une enquête de droit comparé sur le sujet de l’indépendance de la justice, quelle place faut-il accorder selon vous aux études sociologiques, aux mesures statistiques et aux analyses relevant de la science politique ? Revenez, à l’aide de ces considérations, sur la question d’un modèle universel ou non d’indépendance judiciaire.
Deuxième séance TD
En vous aidant des textes suivants sur le droit comparé des étrangers, vous répondrez aux quatre questions posées à la fin du document (chaque question est notée sur 5 points) :
1) Patrick Weil, « L’accès à la citoyenneté : une comparaison de vingt-cinq lois sur la nationalité » dans Travaux du centre d’études et de prévision du Ministère de l’Intérieur,
Nationalité et citoyenneté, nouvelle donne d’un espace européen, mai 2002, n°5, pp.9-28 :
« Si le territoire définit les limites géographiques de la souveraineté de l’État, la nationalité, elle, en détermine la population constitutive. Et si l’on franchit ces limites, on trouve des terres et une souveraineté étrangères et des étrangers. Dessiner les frontières qui déterminent la nationalité et inclure ainsi une toute petite partie de l’humanité tandis que l’autre partie classée comme
‘étrangers’ en est exclue, définir également lesquels de ces étrangers pourront acquérir la nationalité de l’État à certaines conditions, et à quelles conditions un national pourra perdre la sienne, tout cela relève d’une prérogative d’État qui requiert des instruments juridiques. Une
législation de la nationalité est faite de ces instruments. Ils peuvent être comparés à des “couleurs ” que l’on mélange pour obtenir un tableau souhaité. Lorsque l’on parle du droit de la nationalité, deux de ces « couleurs » sont systématiquement mentionnées :
I. le lieu de naissance – ou jus soli : le fait d’être né sur un territoire sur lequel l’État exerce, a exercé ou souhaite étendre sa souveraineté ; II. le droit du sang – ou jus sanguinis : la citoyenneté est accordée en fonction de la nationalité d’un parent ou d’un ascendant plus
éloigné… Ces explications génériques ne sont plus vraiment probantes lorsqu’on analyse l’histoire du droit de la nationalité de vingt-cinq États plutôt développés, sélectionnés un peu au hasard et répartis entre les cinq continents : les quinze pays de l’Union Européenne
(Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède) et les pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), la Fédération de Russie et Israël, le Canada, les États-Unis et le Mexique, l’Afrique
du Sud et enfin l’Australie… Cette innovation française (du jus sanguinis, principal critère de la « qualité de Français » dans le Code Napoléon) s’étendit progressivement et devint la loi
dominante des pays du continent européen par le biais de la codification et de l’imitation. À la suite de cette réforme française, plusieurs États reprirent le jus sanguinis dans leur code civil : Autriche (1811), Belgique (1831), Espagne (1837), Prusse (1842), Italie (1865), Russie (1864),
Pays-Bas (1888), Norvège (1892) et Suède (1894)… La tradition britannique du jus soli fut, quant à elle transposée sans modification dans les colonies d’Amérique du nord (États-Unis et Canada), d’Europe (Irlande), d’Afrique (Afrique du sud), et d’Australie. Elle subsista également dans les pays sous influence britannique, le Portugal et le Danemark jusqu’à l’adoption par les pays nordiques d’un régime de nationalité commun dans les années 1920…
Les “ pays d’immigrants ”, sont des pays « constitués » par des immigrants ;… Les États-Unis, le Canada, l’Australie et jusque récemment l’Afrique du sud figurent sur cette liste.
Les “ pays d’immigration ” sont des pays où des populations étrangères résident en permanence… En Europe de l’ouest, la France se trouve dans cette situation depuis les années
1880… Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les pays où le principe du jus soli automatique prédominait dans la loi sur la nationalité attirèrent plus d’immigrants qu’ils ne le souhaitaient, ce qui les incita à se montrer plus restrictifs (par exemple, le Royaume-Uni). Cette évolution
législative est moins probable aux États-Unis… le XIVe amendement a accordé la nationalité américaine à toutes les personnes nées dans la juridiction de l’État fédéral… Dans les pays d’immigration, la convergence dans l’octroi du droit au séjour stable aux résidents étrangers et… dans le développement d’une nationalité « territoriale », font partie du nouveau paradigme du droit international ».
2) Nicolas Bouche, « La réforme de 1999 du droit allemand de la nationalité », RIDC 2002 :
« L’actuel droit allemand de la nationalité résulte d’un ensemble de plusieurs textes, parmi lesquels on peut relever la Loi fondamentale. Mais le texte essentiel, et en même temps le plus ancien, reste la loi du 22 juillet 1913… La pérennité de la loi de 1913 tient… à deux principes
du droit allemand, à savoir l’attribution de la nationalité à raison de l’origine (jus sanguinis) et la délimitation étroite des causes de perte de la nationalité… La grande nouveauté de la loi de 1999 a été l’introduction d’une part de jus soli totalement ignoré jusqu’alors… Un enfant né en
Allemagne de parents étrangers bénéficie à la naissance de la nationalité allemande si l’un de ses parents a légalement sa résidence habituelle en Allemagne depuis huit ans. »
3) France, Conseil constitutionnel, Décision constitutionnelle du 13 août 1993 :
« Considérant toutefois que si le législateur peut prendre à l’égard des étrangers des dispositions spécifiques,
il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ; que s’ils doivent être conciliés avec la sauvegarde de l’ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle, figurent parmi ces droits et libertés, la liberté individuelle et la sûreté,
notamment la liberté d’aller et venir, la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale ; qu’en outre les étrangers jouissent des droits à la protection sociale, dès lors qu’ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français ; qu’ils doivent bénéficier de l’exercice de recours assurant la garantie de ces droits et libertés ».
4) Guy Scoffoni « Droit constitutionnel étranger », Revue française de droit constitutionnel 2006 :
« Le problème du contrôle des flux d’immigration vers l’Afrique du Sud est abordé dans… l’affaire Khosa and Others v. Minister of social Development and Others rendue le 4
mars 2004, (qui) offre plusieurs considérations. Il s’agit d’un arrêt qui suit un Order of Constitutional Invalidity de certaines dispositions du Social Assistance Act 1992 émis par la High Court. Ces normes empêchent les citoyens non sud-africains de bénéficier des droits sociaux. L’illégitimité constitutionnelle avait été soulevée par des citoyens mozambicains résidant, d’une façon permanente, en Afrique du Sud. La High Court de Pretoria avait estimé
que le critère de la citoyenneté, en tant que condition sine qua non pour bénéficier des droits de la loi, engendrait une violation du principe d’égalité, de sécurité sociale et des droits des enfants.
La réalisation d’un des buts constitutionnels fondamentaux, autrement dit la sécurité sociale, ne peut pas être atteinte en excluant les résidents permanents du bénéfice des droits sociaux. Tout cela engendrait une violation du principe d’égalité. Dans les opinions dissidentes des juges
Ngcobo et Madala, on retrouve de vives préoccupations vis-à-vis de cette approche herméneutique qui pourrait produire une forte immigration vers l’Afrique du Sud et qui ne
prend pas en considération les ressources économiquement limitées de l’État. »
5) Documentation parlementaire d’Australie :
« En août 2015, la Haute Cour prit sa décision
dans le cas de M. Amos Bode Ame né en 1967 en Papouasie alors territoire australien. La cas Ame a des implications significatives à propos du pouvoir du Commonwealth sur les
Australiens, spécialement pour les cas des nombreux binationaux dans ce pays. Menacé d’expulsion après l’expiration de son visa, M. Ame argua qu’il était citoyen australien de naissance et n’avait jamais perdu ce statut. Comme un citoyen, il avait le droit de vivre dans ce
pays et ne pas être expulsé contre sa volonté. Cependant, la High Court déclara que les personnes nées en Papouasie n’avaient jamais été des citoyens australiens complets ou réels que cette forme inférieure de nationalité australienne avait disparu quand la Papouasie Nouvelle Guinée était devenue une nation indépendante en 1975. La cour dit que de telles personnes n’avaient pas le droit d’entrer librement en Australie, n’avaient aucun des droits des Australiens
réels et pouvaient être expulsées en vertu du Migration Act à défaut d’un visa en cours. La constitution australienne ne garantit la citoyenneté à quiconque, même aux personnes nées sur le territoire Australie. Il n’y a pas de pouvoir désigné dans la constitution permettant au Commonwealth de faire des lois sur la citoyenneté… Il y a débat pour savoir sur quoi est fondé le Nationality and Citizen Act 1948 créant la nationalité australienne. »
6) Usa Supreme Court, Trump v. Hawaï, 25 avril 2018 :
« En septembre 2017, le Président prit la Proclamation n° 645 pour améliorer les procédures de contrôle des étrangers voyageant vers les États-Unis… La Proclamation visait huit pays (Tchad, Iran, Libye, Corée du Nord, Syrie,
Venezuela, Yémen, Somalie) dont les procédures de partage des informations de sécurité étaient jugées déficientes. » Après jugement en appel invalidant cette proclamation la Cour suprême a été saisie. D’après l’opinion de la Cour délivrée par le Chief Justice Roberts,
« L’Immigration and Nationality Act (1965 abolissant le système des quotas nationaux) prévoit de nombreux cas où un étranger peut être considéré comme insusceptible d’être admis sur le territoire des États-Unis et inéligible au visa… Le Président peut suspendre l’entrée d’étrangers
quand il ‘trouve’ que leur entrée serait au détriment des intérêts des États-Unis. La Proclamation est clairement dans le cadre des compétences du Président selon l’INA…Il n’y a
pas de violation du Ier amendement… Dans Kleindiest v. Mandel (1972) la Cour suprême valida l’interdiction d’entrée d’un journaliste belge se définissant lui-même comme révolutionnaire marxiste… La décision Korematsu (1944) invoquée par l’opinion dissidente n’a rien à voir avec
ce cas… et était gravement erronée ». Dans l’opinion dissident de Justice Sotomayor, il est dit
que la Proclamation « va de manière fautive contre la clause d’établissement du Ier Amendement garantissant la neutralité religieuse ».
7) Inde (extrait de Ani news) : « Le Citizen Amendment Act (CAA amendant la loi de 1955 sur la nationalité) a été voté en décembre 2019. Il accélère la procédure d’octroi de la nationalité aux Hindous, Sikhs, Bouddhistes, Jains, Parsis et chrétiens qui ont fui la persécution religieuse
en Afghanistan, Bangladesh et Pakistan et ont trouvé refuge en Inde avant fin 2014… Le Gouvernement dit que le CCA est une « mesure bégnine » qui n’affecte pas les caractères
démocratiques, légaux et séculiers de la citoyenneté indienne. Environ 200 recours ont été adressés à la Cour suprême. Les pétitionnaires arguent que le CAA est une discrimination contraire aux articles 15 (égalité devant la loi) et 21 (droit à la vie) de la constitution… »
8) Marc Galanter, « A Dissent on Brother Daniel » (1963) :
« En décembre 1962, la Cour suprême d’Israël rejeta la demande du frère Daniel, un juif polonais qui était devenu un moine carmélite, de bénéficier de la loi du retour (1950) pour être admis en Israël La décision de la Cour, en même temps que l’auto-identification paradoxale de frère Daniel comme juif, a mis en lumière certains questions de l’identité juive qui continuent d’être agitées en Israël.. La Cour
a pris soin d’indiquer qu’elle ne cherchait pas à déterminer le sens du mot « juif » dans n’importe quel contexte et pour n’importe quel but. Son intérêt était limité à l’interprétation
d’une loi spécifique (la loi du retour) dans un cas spécifique… Comme définition de la judéité comme elle apparaît sans définition dans la loi du retour, la Cour mit en avant l’identification avec le peuple juif et son héritage. Tous les juges tombèrent d’accord avec le caractère décisif
de ce lien d’identification, comme volonté de se connecter avec l’histoire et le futur des juifs. Tous ont rejeté le test de la naissance ou de l’origine, de même qu’aucun n’a requis l’adhésion aux dogmes du judaïsme ».
9) Youssef Jabareen, Cahiers de l’Orient, 2009 :
« Israël se définit officiellement comme un
État juif et démocratique ; cependant, à côté de sa majorité juive, il abrite une minorité arabe palestinienne, qui représente près d’un cinquième de sa population (un million de personnes)…Ainsi, au titre de la Loi du retour, tout juif de par le monde peut obtenir la citoyenneté israélienne, alors que les Palestiniens qui sont devenus des réfugiés après la
fondation de l’État se voient refuser ce même droit. Paradoxalement, ces lois discriminatoires coexistent, au sein du système juridique israélien, avec un ensemble de lois qui prohibent toute discrimination fondée sur la race et/ou la nationalité en matière d’embauche et d’accès aux
emplois publics. Les normes juridiques discriminatoires persistent néanmoins, et ce malgré l’obligation légale d’égalité précisée et renforcée par les décisions de la Haute Cour de justice dans une foule de domaines, parfois en lien direct avec la question de l’égalité entre juifs et
Arabes. Vis-à-vis des citoyens arabes palestiniens, le droit israélien manifeste une étonnante ambivalence normative : on y trouve de nombreuses lois inégalitaires favorisant les juifs au détriment des Arabes, mais aussi quelques lois interdisant toute discrimination entre les uns et
les autres. Dans les faits, ce sont les lois explicitement discriminatoires qui imprègnent l’ensemble du système juridique israélien »
Information complémentaire : En Israël, le service militaire est de trois ans pour les garçons et de deux ans pour les filles. Il est obligatoire pour les Juifs, les Druzes, les Circassiens. Mais volontaire pour les autres… Sur 180 000 appelés, en 2017, on recense 3 522 Druzes, 1 308
musulmans et Bédouins, 221 chrétiens
10) Claire de La Hougue, « La Chambre des Lords gardienne de la liberté individuelle » :
Le 16 décembre 2004, la Commission d’appel de la Chambre des Lords, plus haute juridiction du Royaume-Uni, a rendu sa décision dans l’affaire des détenus soupçonnés de terrorisme, parfois qualifiée de « Guantanamo britannique ». Les neufs requérants, tous étrangers et soupçonnés
de terrorisme, attaquent l’arrêt de la Cour d’Appel du 25 octobre 2002 infirmant la décision rendue par la Special Immigration Appeals Commission (SIAC) le 30 juillet de la même année. Ils contestent la légalité de leur détention au regard de la Convention européenne des droits de
l’Homme (CEDH), incorporée en droit interne par le Human Rights Act de 1998… La Chambre des Lords n’a pas le pouvoir de faire libérer les détenus. Elle ne peut invalider la loi sur laquelle est fondée leur détention, en raison de la souveraineté du Parlement, mais elle peut, selon
l’article 4 du Human Rights Act 1998, faire une déclaration d’incompatibilité avec un droit conventionnel… Les requérants ont été traités différemment des présumés terroristes
britanniques, qui ne peuvent être expulsés mais n’ont pas été arrêtés, et des étrangers qui peuvent être expulsés. La Chambre des Lords observe que cette différence serait justifiable dans un contexte de contrôle de l’immigration mais pas de sécurité. Pour la SIAC et la majorité de
la Chambre des Lords, les terroristes étrangers ne pouvant être expulsés sont dans une situation
analogue à celle des terroristes britanniques. Ils sont donc victimes d’une discrimination fondée
sur la nationalité (contraire à l’article 14 de la CEDH). »
Question 1 : Sur quels critères peut-on classer les droits de la nationalité en utilisant la méthode comparative ? Dans quelle mesure cette classification peut-elle être croisée avec d’autres grilles de lecture en droit comparé (familles de droit, théorie des transplants…)
Question 2 : Quelles sont les interférences entre droit de la nationalité et place de la religion dans les divers systèmes juridiques mentionnés (ou d’autres comme l’Arabie Saoudite qui réserve sa nationalité aux musulmans). Quels liens avec les statuts personnels ?
Question 3 : Quels droits sociaux sont reconnus aux étrangers dans certains systèmes juridiques ? En quoi le contrôle de constitutionnalité est-il lié à cette problématique ?
Question 4 : En quoi la problématique des discriminations et le rôle des conventions internationales interfèrent-ils avec cette étude comparée des droits de la nationalité et des
étrangers ?
Trioisième séance TD
Textes sur la hiérarchie des normes et le contrôle des révisions constitutionnelles
Cour suprême d’Israel (Mizrahi Bank Ltd v. Migdal Village, 1995), Opinion of Chief Justice Barak :
The constitution is the supreme norm of the legal system. A regular law may be permitted to conflict with the provisions of the constitution, only if it meets the criteria provided in the constitution itself. What is the fate of a law that does not meet these criteria ? What is the remedy for unconstitutional law ? The answer to these questions depends first and foremost upon the provisions of the constitution itself. Often the constitution sets forth _ and is empowered to set forth _ the legals sanctions imposed upon an unconstitutional law. Thus, for example, the Supremacy Clause of the Canadian Charter of Rights and Freedoms (Section 1.52) invalidates conflicting legislation that does not meet the requirements of the Constitution… Similar provisions are found in many modern constitutions, particularly those of European countries after the First World War. Such provisions proliferated in the constitution of European countries after the Second World War and the victory over the Nazis. One of the lessons of the Second World War was that constitutional supremacy and judicial review of constitutionality are potent weapons against the enemies of democracy. But what is the rule when the constitution is silent in this matter ? To answer to this question depends upon the culture and tradition of the legal system. It is determined by the adjudication rule of the particular system (see H.L.A. Hart, The Concept of Law).
Thus, for example, it may be recognized _ as was the tradition in the nineteenth century Europe _ that the constitution binds the institutions of the government. However, noncompliance with a constitutional directive does not lead to invalidation of the law, and the court is not empowered to impose the sanction of voiding such legislation. According to this view, the obligation to ensure compliance with the constitution rests with the government institutions themselves, and if they violate the constitution, the sanctions are in the hands of public on election one day. But this is not the most widely held, nor is it the most widely held. Today this is a minority view. Indeed a particular legal tradition and culture are likely to lead to the conclusion that constitutional science in this matter should be interpreted as calling for the invalidation of conflicting legislation and to the concomitant conclusion that the determination of whether such a conflict exists rests not with the legislature but with the court. Under this view, constitutional silence requires judicial review and authorizes the Court to declare unconstitutional legislation void.
The doctrine of judicial review of constitutionality is based on the rule of law , or, more correctly, the rule of the constitution. The central role of the court in a democratic society is to protect the rule of law. When a given legal system includes a constitution, the rule of law requires that the sovereignty of the constitution be protected. Thus the Knesset, in using its constituent authority, endowed the State with Basic Laws. In the normative hierarchy the Basic Laws are paramount. In order to fulfill the Knesset’s directives, regular legislation that conflicts with a Basic Law must be invalidated. But is judicial review democratic ? Is it democratic that the court _ whose judges are not elected by the people and do not represent social and political platform _ be empowered to invalidate a law enacted by elected officials ? The formal answer is simple. The court in its judicial review of the constitutionality of law gives effect to the constitution and Basic Laws. Hamilton addressed this point over two hundred years ago (in The Federalist, No. 78).
However the formal answer alone is not sufficient. In fact when the majority strips the minority of its human rights, democracy is impaired (See J. Ely, Democracy and Distrust : A Theory of Political Distrust). Remove majority rule from constitutional democracy and its essence is harmed. Remove the sovereignty of fundamental values from constitutional democracy and its existence is called into question. Judicial review of constitutionality enables the society to be true to itself and to honor its basic conceptions. This is the basic for the substantive legitimacy of judicial review. We are bound by the constitution which was enacted in the past because its expresses the fundamental outlook of modern society. It may therefore be said that each generation enacts the constitution anew. By means of judicial review we are loyal to the fundamental values that we took upon ourselves in the past, that reflects our essence in the present and that will direct our national development as a society in the future. It is therefore no wonder that judicial review is no developing. The majority of enlightened democracies have judicial review. It is difficult to imagine the United States, Canada, Germany, Japan, Spain, Italy and many other nations without judicial review of constitutionality. The Twentieth Century is the century of judicial review.
It is because the judge is not elected by the people and does not present before them a social and political platform that he is qualified to express the deepest perceptions of society without being influenced by the needs of the moment. For this purpose he must operate with judicial objectivity. He must express the outlook of society even if it is not his personal outlook. Declaring a law unconstitutional is a serious matter. Such a declaration would seem to undermine the will of today’s majorit. The judge reflects the values of the State of Israel as Jewish democratic society.
Cour constitutionnelle d’Allemagne (Klass, 1970) :
Constitutional provisions must not be interpreted in isolation, but rather so they are consistent with the Basic Law’s fundamental principles ands its system of values. In the context of this cas it is especially significant that the Constitution has decided in favor of a militant democracy that does not submit to abuse of basic rights to attack on the liberal order of the state. Enemies of the Constitution must not be endowed to endanger, impair, or destroy the existence of the state while claiming protection of rights granted by the Basic Law (cf. Art. 9 par 2, Arts 18 and 21). Of no lesser importance is the Basic Law’s fundamental decisions authorizing limits on basic rights in order to protect the common welfare and paramount legal interests (cf. Art. 2 par. 1). The concept of man in the Basic Law is not that of an isolated, sovereign individual ; rather, the Basic Law has decided in favor of a relationship between individual and community in the sense of a person’s dependence on and commitment to the community, without infringing upon a person’s individual value.
From a third fundamental decision made in the Basic Law _ the principles of the rule of law _ the Federal Constitutional Court has derived the principle of proportionality. This principle demands that, where basic rights are restricted, a law may provide for only that which is absolutely necessary for protection of the legal interests recognized by the Basic Law _ in this case the existence of the state and its constitutional order. The interpretation of Art. 79, par. 3 has the following result : a. The purpose of Art. 79, par. 3, as a check on the legislator’s amending the Constitution is to prevent both abolition of the substance or basis of the existing constitutional order, by the formal legal means of amendment. and abuse of the Constitution to legalize a totalitarian regime. This provision thus prohibits a fundamental abandonment of the principles mentioned therein. Principles are from the very beginning not affected as principles if they are in general taken in consideration and are only modified for evidently pertinent reasons for a special case according to its peculiar character.
More principles than just that of respect of the dignity of man are laid down (niedergelegt) in Art. 1, Art. 20 and contains several principles. The several “principle of the rule of law however is not laid down there, but only certain very specific maxims of that principle : in par. 2 the principle of separation of powers and in par. 3 the principle of legislation being subject to the constitutional object, and of the executive and judiciary being bound by law and justice. More than the legal principles of Art. 20 referred to in Art. 79 par. 3 can be deduced from the principle of the rule of law, and the Federal Constitutional Court has established such legal principles.
Restriction on the legislator’s amending the Constitution must not, however, prevent the legislator from modifying by constitutional amendment even basic constitutional principles in a system-immanent manner. From this point of view, the subsidiary principle derived from the principle of the rule of law, that a maximum of judicial protection must be available to the citizen, does not belong among the principles “laid down in Art. 20 ; it is nowhere mentioned in Art. 20. The guarantee of recourse to the courts is located in Art. 19, par. 4 ; thus Art. 79, par. 3 does not exempt this right from modification by constitutional amendment. c. Art. 79, par. 3 does exempt from possible amendment the protection afforded by Art. 1 to the dignity of man. But whether a constitutional amendment violates human dignity can only be decided in the context of a specific situation. Overreaching rules can only indicate general directions here.
Art. 1 forbids treatment which jeopardizes a citizen’s personality as an individual or treats him in a manner that expresses contempt for his inherent value as a human being. Nor does substitution of recourse to law by some other judicial control as provided for in Art. 10, par. 2, sent. 2 violate the principle of separation of powers. For this principle does not demand a strict separation, but in exceptional cases permits legislative functions to be exercised by governmental and administrative bodies and administration to be exercised by legislative bodies. In exceptional cases, the principle of separation of powers also permits legal protection against acts of the executive to be furnished not by courts, but by independent institutions, appointed or established by Parliament and operating within the framework of the executive department.
The constitutional amendment affects the principles laid in Arts 1 and 20.
Inde (Kesavananda Bharati v. State of Kerala, 1970), opinion du Chief Justice Sikri :
305. What is the necessary implication from all the provisions of the Constitution ? 306. It seems to me that reading the Preamble, the fundamental importance of the freedom of the individual, indeed its inalienability, and the importance of the economic, social and political justice mentioned in the Preamble, the importance of directive principles, the non-inclusion in Article 368 of provisions like Articles 52, 53 and various other provisions to which reference has already been made an irresistible conclusion emerges that it was not the intention to use the word "amendment" in the widest sense.
307. It was the common understanding that fundamental rights would remain in substance as they are and they would not be amended out of existence. It seems also to have been a common understanding that the fundamental features of the Constitution, namely, secularism, democracy and the freedom of the individual would always subsist in the welfare state.
308. In view of the above reasons, a necessary implication arises that there are implied limitations on the power of Parliament that the expression "amendment of this Constitution" has consequently a limited meaning in our Constitution and not the meaning suggested by the respondents.
309. This conclusion is reinforced if I consider the consequences of the contentions of both sides. The respondents, who appeal fervently to democratic principles, urge that there is ho limit to the powers of Parliament to amend the Constitution. Article 368 can itself be amended to make the Constitution completely flexible or extremely rigid and unamendable. If this is so, a political party with a two-third majority in Parliament for a few years could so amend the Constitution as to debar any other party from functioning, establish totalitarianism, enslave the people, and after having effected these purposes make the Constitution unamcndable or extremely rigid. This would no doubt invite extra- Constitutional revolution. Therefore, the appeal by the respondents to democratic principles and the necessity of having absolute amending power to prevent a revolution to buttress their contention is rather fruitless, because if their contention is accepted the very democratic principles, which they appeal to, would disappear and a revolution would also become a possibility.
310. However, if the meaning I have suggested is accepted a social and economic revolution can gradually take place while preserving the freedom and dignity of every citizen.
311. For the aforesaid reasons, I am driven to the conclusion that the expression "amendment of this Constitution" in Article 368 means any addition or change in any of the provisions of the Constitution within the broad contours of the Preamble and the Constitution to carry out the objectives in the Preamble and the Directive Principles. Applied to fundamental rights, it would mean that, while fundamental rights cannot be abrogated reasonable abridgements of fundamental rights can be effected in the public interest.
312. It is of course for Parliament to decide whether an amendment is necessary. The Courts will not be concerned with wisdom of the amendment.
313. If this meaning is given it would enable Parliament to adjust fundamental rights in order to secure what the Directive Principles direct to be accomplished, while maintaining the freedom and dignity of every citizen… In modern times opinions have sometimes been expressed to the effect that natural justice is so vague as to be practically meaningless. But I would regard these as tainted by the perennial fallacy that because something cannot be cut and dried or nicely weighed or measured therefore it does not exist. The idea of negligence is equally insusceptible of exact definition, but what a reasonable man would regard as fair procedure in particular circumstances and what he would regard as negligence in particular circumstances are equally capable of serving as tests in law, and natural justice as it has been interpreted in the courts is much more definite than that.
316 The true position is that every provision of the Constitution can be amended provided in the result the basic foundation and structure of the Constitution remains the same. The basic structure may be said to consist of the following features : (1) Supremacy of the Constitution ; (2) Republican and Democratic form of Government. (3) Secular character of the Constitution ; (4) Separation of powers between the Legislature, the executive and the judiciary ; (5) Federal character of the Constitution. 317. The above structure is built on the basic foundation, i.e., the dignity and freedom of the individual. This is of supreme importance. This cannot by any form of amendment be destroyed.
A partir de ce texte, comparer les positions instiutionnelles et le rôle des Cours suprêmes aux Etats-Unis, en Israël (et éventuellement en Inde ou au Japon)
April 11, 2023
Calls for Judicial Reform in Israel
All of this fueled the recent calls for judicial reform in the name of democracy. And with the return of Benjamin Netanyahu to power after the most recent Israeli elections, as the Prime Minister heading a coalition government dependent on radical right-wing parties, the clamor for judicial reform reached a crescendo. The ruling coalition is pressing for a package of legal measures that, among other things, would empower the Knesset to override Supreme Court decisions by a simple majority ; alter the selection committee for Justices to greatly enhance the government’s control over appointments ; and abolish decisions based on unreasonableness. These proposals have many detailed nuances that will likely evolve as they move through the political process. But the unifying argument of proponents is that these reforms are necessary to restore politically accountable control over a runaway Supreme Court – that is, to vindicate democracy.
These proposals have triggered an extraordinary outburst of protest across wide swaths of Israeli society. Ever since the new government came into power, weekly mass protests of nearly unprecedented scale have swept across Tel Aviv and Jerusalem, drawing hundreds of thousands into the streets. The cries that these proposals threaten to destroy Israel’s democracy and fundamentally alter the county have emanated from multiple sectors of Israeli society, in the strongest possible terms. Former justices, justice ministers, leading economic figures, opposition political leaders, Israeli reservists, and even segments of the ultra-orthodox religious right have described the laws in apocalyptic terms, as jeopardizing the nation’s very soul. A consistent refrain is that the assault on the independence of the Israeli Supreme Court represents a dire threat to democracy itself. And faced with mass protests in Israel, Netanyahu has recently paused the legislative process.
Despite the pause, the alarm over the weakening of an independent judiciary remains intense. The intensity is amplified by the unity of the political branches in Israel : the executive authority of government always represents the ruling coalition in the Knesset. The Prime Minister attains his authority by virtue of assembling a coalition of at least 61 members of the 120-member Knesset. Accordingly, the only institution of government with the power to push back on excesses is the Supreme Court. Only it can enforce legal limits against the combined political will of the government and Knesset to enact the programs and policies they favor. And the opponents of the reforms characterize attacks on the Supreme Court as anti-democratic in the extreme. So each side of the debate is wearing the mantle of democracy ; both those that would diminish the Supreme Court’s power and those that would preserve it view the struggle as central to maintaining Israel as a democratic state.
Calls for Judicial Reform in the United States
Before unpacking the lessons in this battle for the United States, it is worth turning to growing criticisms of the power of our Supreme Court. Since 1803, the Court has interpreted the Constitution to empower it to engage in judicial review and to strike down legislation that violates the Constitution. In the second half of the twentieth century, conservative voices were the most prominent in criticizing the exercise of this power as unjustified judicial activism. But recently, progressive critics have taken issue with the Court’s power to “say what the law is” – or at least with the way in which the Court has exercised its constitutional authority.
The source of these recent criticisms is well known. Following Justice Scalia’s death, President Obama nominated Merrick Garland, who had served for years as a distinguished and widely respected federal appeals court judge with bipartisan support. The swap of Scalia for Garland would have ushered in a new era of Justices appointed by Democratic presidents holding a majority on the Court. The potential for progressive constitutional change seemed attainable for the first time in decades. But Republican Senate Majority Leader Mitch McConnell refused to allow Garland to receive a hearing, let alone a vote. And the Scalia seat fell into the hands of President Trump, who quickly appointed conservative Justice Neil Gorsuch. Progressives and Democrats felt that they had been robbed of a seat that would have swung control of the Court to the left. Then, Trump appointed Brett Kavanaugh to replace Justice Kennedy, further pushing the Court to the right. And the final blow landed when Ruth Bader Ginsburg died less than two months before the 2020 election, and the Senate expedited confirmation of Trump’s third nominee, Amy Coney Barrett, just before the 2020 presidential election. This trio of Trump appointees cemented a 6-3 conservative super majority and set the stage for dramatic conservative changes to constitutional law. In short order, the newly energized and powerful conservative majority erased liberal precedents, expanded rights for favored conservative causes like firearms and religious rights, and overruled the iconic decisions protecting a woman’s right to choose.
The velocity and head-spinning nature of these changes – all in a conservative direction – prompted progressive calls for reform to rein in the Supreme Court’s power. President Biden appointed a bipartisan commission to study the Court and analyze proposals for its reform. The Commission studied breakdowns in the polarized confirmation process and evaluated possible changes ranging from court expansion, to term limits, to jurisdiction stripping. To varying degrees, these changes would fundamentally revise the Court’s place in our constitutional order and reduce the Court’s independence and authority vis-a-vis the political branches. Some recent scholarship has gone even farther to argue that the Supreme Court does not have a monopoly on final constitutional interpretation and that many, perhaps most, questions of constitutional meaning should be left to the national political branches. According to some scholars, the Supreme Court used the Constitution after the Civil War to thwart progressive exercises of congressional power. The Supreme Court, rather than being an instrument for protecting rights, became an obstacle to congressional action – and a frustration of the democratic process. And today, they argue, it is happening again.
Protecting Democracy ? Comparing Calls for Judicial Reform
If this refrain sounds familiar, it should. The new, ultra-conservative Israeli government’s drive to regain political control over Israel’s supreme court has an eerie resemblance to liberal calls for reform of the United States Supreme Court – with at least one seismic difference. In Israel, the “reformers” are radically on the right : they want more religious influence in government, more freedom for operations and protection for settlements in the West Bank, and more national power to preserve Israel’s Jewish identity. In the United States, the would-be reformers are progressives who object to the Court’s dismantling of constitutional protections for abortion, its invalidation of protection of voting rights, its expansion of gun rights, and its blocking of campaign finance regulation. So the constituencies advocating for reform of the courts’ powers differ significantly. But the criticisms of judicial independence in both systems have a common element : each claims to be marching under the banner of democracy. The judiciary in both countries, in the would-be reformers’ eyes, consists of unelected elites who are blocking the will of the people, expressed through popular elections.
Yet only in Israel do the opponents of reform – those who would preserve the courts’ power –claim that they are true protectors of democracy. The Israeli opponents of judicial reform see judicial review – that is, the courts’ power to declare government action unconstitutional and to safeguard minority rights – as the vindication of democracy. For that reason, they see reforms that would place political controls on the Israeli Supreme Court and allow the Knesset greater powers to make laws and control the appointment of judges as antithetical to democracy.
Quatrième séance de TD
US Supreme Court, Brandenburg v. Ohio, 1969
The appellant, a leader of a Ku Klux Klan group, was convicted under the Ohio Criminal Syndicalism stature for “advocat(ing) they, necessity, or propriety of crime, sabotage, violence, or unlawful methods of terrorism as a means of accomplishing industrial or political reform†and for “voluntarily assembl(ing) with any society, group or assemblage of persons formed to teach or advocate the doctrines of criminal syndicalism. The record shows that a man, identified at trial as the appellant, telephoned an announcer-reporter on the staff of a Cincinnati television station and invited him to come to a Ku Klux Klan “rally†to be held at a farm. One film showed 12 hooded figures, some of whom carried firearms. Another scene on the same film showed the appellant in Klan regalia, making a speech. The speech, in full was as follows : The Klan has more members in the State of Ohio that does any other organization. We’re not a revengent organization, but if our President, our Congress, our Supreme Court continue to suppress the white Caucasian race, it’s possible that there might have to some revengeance taken. We are marching on Congress July the Fourth, four hundred thousand strong. From there were are dividing in two groups, one group to march on St. Augustine, Florida, the other group to march into Mississippi Statutes, like the Ohio antianarchism one, were upheld in the first half of the twentieth century, e. G ; in Whitney (1927). More recent precedents like Dennis (1951) have fashioned the principle that the constitutional guarantees of free speech and free press do not permit a State to forbid or proscribe advocacy of the use of force or of law violation except where such advocacy is directed to inciting or producing imminent lawless action and is likely to incite or produce such action… Accordingly, we are confronted with a statute which, in its own words and as applied, purpots to punish mere advocacy and to forbid, on pain of criminal punishment, assembly with other merely to advocate the described type of action. Such a statute falls within the condemnation of the First and Fourteenth Amendments.
Supreme Court, Texas v. Johnson (1989) :
Under the circumstances, Johnson’s burning of the flag constituted expressive conduct, permitting him to invoke the First Amendment... Occurring as it did at the end of a demonstration coinciding with the Republican National Convention, the expressive, overtly political nature of the conduct was both intentional and overwhelmingly apparent. The government generally has a freer hand in restricting expressive conduct than it has in restricting the written or spoken word," it may not "proscribe particular conduct because it has expressive elements."
Cour constitutionnelle hongroise, 18 mai 1992
:
Considérant que, selon l’alinéa premier de l’article 61 de la Constitution, toute personne a droit à la liberté d’expression et à recevoir et à diffuser les informations d’intérêt public. 2. Considérant que la liberté d’expression et la liberté de la presse ont une importance particulière dans une société démocratique pluraliste. 3. Considérant que la liberté d’expression est à l’origine des différentes formes d’opinion, y compris la liberté scientifique et artistique. 4. Considérant que l’expression libre d’opinions même choquantes est une condition de l’existence d’une société libre. 5. Considérant que l’État a le devoir d’établir et maintenir les conditions du développement d’une opinion publique démocratique. 6. Considérant que l’expression des opinions blessantes ou offensantes doit nécessairement recevoir des réponses de l’opinion publique dans un débat libre et que, aux cas où une atteinte a été portée à la dignité de quelqu’un, des dommages et intérêts doivent être payés. 7. Considérant que la limitation de la liberté d’expression par les règles du droit pénal doit être en harmonie avec les exigences constitutionnelles concernant le système de droit pénal. 8. Considérant que l’expression d’une opinion blessante ou offensante pour une nation, une nationalité, un peuple ou une religion est qualifiée de crime par l’alinéa second de l’article 269 du Code pénal. Décide : L’alinéa second de l’article 269 de la loi n° IV de 1978 sur le Code pénal est non conforme à la Constitution et est annulé ".
Cour constitutionnelle fédérale allemande (1994, poursuites pénales contre une réunion d’un groupe néo-nazi négationniste) :
" The contested decisions do not constitute a violation of Art. 5(1), first sentence of the Basic Law… Strictly speaking, representations of fact, are not expressions of opinion. But this does not mean that representations of fact automatically lie outside the purview of Art. 5 (1) of the Basic Law. Since opinions are usually based on factual assumptions or they comment on factual circumstances, they are protected by the basic right at any rate to the extent that they are a condition for the formation of opinions. Consequently, the protection of a representation of fact only stops when it is unable to contribute anything to the constitutionally presupposed formation of opinion. From this angle incorrect information does not constitute an interest meriting protection. For this reason, the Federal Constitutional Court has constantly ruled that a deliberate or demonstrably untrue representation of fact is not covered by the protection enjoyed by freedom of expression. Balancing the defamation on the one hand against the limitation of freedom of expression on the other hand does not reveal any errors relevant to constitutional law. It is the gravity of the injury in each case that is decisive for this balancing. When insulting opinions are voiced, containing a representation of fact, it is crucial whether the representations of fact do not constitute an interest worth protecting. If they are inseparably connected with opinions, they will benefit from the protection of Art. 5(1) of the Basic Law, but from the outset interference will be less serious that in the case of representations of fact that have not been shown to be untrue. That is the case here. Even if one regards the utterance that the complainant was prohibited from permitting as its meeting as an expression of opinion in connection with the subject of the meeting, this does nothing to change the proven falsity of its factual content. Hence, interference relating to this is not particularly serious. In the view of the weight attached to the insult, there can be no objection to the contested decisions’ having given precedence to the protection of personality before freedom of expression ".
Cour constitutionnelle fédérale allemande, 16 mai 1995 (crucifix) :
" L’article 4, alinéa 1 de la Loi fondamentale ne se borne pas à interdire à l’État une immixtion dans les convictions, manifestations et représentations religieuses des individus ou des collectivités religieuses. Il lui impose aussi le devoir de leur assurer un espace dans lequel peut se développer la personnalité dans le domaine religieux ou philosophique (BVerfGE, tome 41, p. 29) et les protège contre des attaques ou des entraves de la part de partisans d’autres orientations philosophiques ou de groupes religieux concurrents. Mais l’article 4, alinéa 2 de la Loi fondamentale ne donne pas fondamentalement à l’individu et aux collectivités religieuses le droit de manifester leurs convictions avec l’aide de l’État à l’égard des différentes religions et confessions ; l’État où vivent ensemble des disciples de convictions religieuses ou philosophiques différentes, voire antagonistes, ne peut assurer leur coexistence pacifique que s’il observe lui-même une neutralité vis-à -vis des croyances… Combiné avec l’article 6, alinéa 2, phrase 2 de la Loi fondamentale qui garantit aux parents l’entretien et l’éducation de leurs enfants comme un droit naturel, l’article 4, alinéa 1, de la Loi fondamentale garantit aussi leur droit à donner à leurs enfants les convictions religieuses ou philosophiques qu’ils estiment justes (BVerfGE, tome 41, p. 29). Y correspond le droit de tenir leurs enfants éloignés des convictions qu’ils considèrent fausses ou nuisibles. Le § 13, alinéa 1 du règlement du Land de Bavière sur les écoles primaires prescrit l’apposition de croix dans toutes les classes des écoles primaires bavaroises.
Du fait de l’obligation scolaire, la présence dans les salles de classe aboutit à ce que, pendant les heures d’enseignement, les élèves sont confrontés à ce symbole sans pouvoir l’éviter et sont contraints d’apprendre " sous la croix ". La croix est le symbole d’une conviction religieuse déterminée et n’est pas seulement l’expression d’une civilisation occidentale marquée par la chrétienté… Pour les non-chrétiens et les athées, la croix est, précisément en raison de l’importance que lui donne la chrétienté et qu’elle a eue dans l’histoire, l’expression de convictions religieuses précises et le symbole de sa propagation missionnaire/ La conciliation entre les deux conceptions antagonistes de la liberté religieuse négative et de la liberté religieuse positive tout en tenant compte de l’exigence de tolérance incombe au législateur du Land, lequel doit chercher un compromis acceptable par tous... L’apposition de croix dans les salles de classe dépasse les limites admissibles pour une orientation religieuse ou philosophique de l’école. Leur apposition est par conséquent incompatible avec l’article 4 , alinéa 1, de la GG pour autant qu’il ne s’agit pas d’écoles confessionnelles chrétiennes ".
Comparer avec Tribunal fédéral suisse, 26 septembre 1990 :
" il n’est pas exclu que certaines personnes se sentent atteintes dans leurs convictions religieuses par la présence constante dans l’école d’un symbole d’une religion à laquelle ils n’appartiennent pas. Ceci peut avoir des conséquences non négligeables sur l’évolution spirituelle des élèves et sur leurs convictions religieuses " (voir Christine Pauli, " L’affaire des crucifix dans les écoles italiennes ", AJDA 2004, p. 746-750).
US Supreme Court, Lemon v. Kurtzman, 1971
:
" In the absence of precisely stated constitutional prohibitions, we must draw lines with reference to the three main evils against which the Establishment Clause was intended to afford protection : sponsorship, financial support, and active involvement of the sovereign in religious activity. Every analysis in this area must begin with consideration of the cumulative criteria developed by the Court over many years. Three such tests may be gleaned from our cases. First, the statute must have a secular legislative purpose ; second, its principal or primary effect must be one that neither advances nor inhibits religion ; finally, the statute must not foster an excessive government entanglement with religion. "
US Supreme Court, Goldman v. Weinberger, 1986
:
" Petitioner Goldman contends that the Free Exercise Clause of the First Amendment requires the Air Force to make an exception to its uniform dress requirements for religious apparel unless the accouterments create a "clear danger" of undermining discipline and esprit de corps. He asserts that in general, visible but "unobtrusive" apparel will not create such a danger and must therefore be accommodated. He argues that the Air Force failed to prove that a specific exception for his practice of wearing an unobtrusive yarmulke would threaten discipline. He contends that the Air Force’s assertion to the contrary is mere ipse dixit, with no support from actual experience or a scientific study in the record, and is contradicted by expert testimony that religious exceptions to AFR 35-10 are in fact desirable and will increase morale by making the Air Force a more humane place… But whether or not expert witnesses may feel that religious exceptions to AFR 35-10 are desirable is quite beside the point. The desirability of dress regulations in the military is decided by the appropriate military officials, and they are under no constitutional mandate to abandon their considered professional judgment. Quite obviously, to the extent the regulations do not permit the wearing of religious apparel such as a yarmulke, a practice described by petitioner as silent devotion akin to prayer, military life may be more objectionable for petitioner and probably others. But the First Amendment does not require the military to accommodate [475 U.S. 503, 510] such practices in the face of its view that they would detract from the uniformity sought by the dress regulations. The Air Force has drawn the line essentially between religious apparel that is visible and that which is not, and we hold that those portions of the regulations challenged here reasonably and evenhandedly regulate dress in the interest of the military’s perceived need for uniformity. The First Amendment therefore does not prohibit them from being applied to petitioner even though their effect is to restrict the wearing of the headgear required by his religious beliefs. Sur ces textes relatifs à la liberté d’expression et à la liberté religieuse, vous pourrez : -comparer jurisprudence des Etats-Unis et d’Allemagne, différences et oppositions ; introduire des points de comparaison avec la France ou d’autres pays ; compléter l’information sur l’affaire des crucifix dans les écoles italiennes (CEDH 2009, 2011).
Aux textes précédents sur le négationnisme et les crucifix, s’ajoutent les textes suivants sur l’affaire Bennetton (les affiches de parties du corps nu avec l’inscription HIV Positive pour lesquelles Benetton a été condamné en France) et sur la question du voile islamique
Oberlandesgericht Frankfurt am Main, 3 mars 1994, NJW-RR 1994, 945 (traduction d’extraits J.-L. Halpérin) :
"Comme le Sénat l’a plusieurs fois décidé, une publicité peut être contraire aux bonnes mÅ“urs et constituer une violation du § 1 UWG quand le motif choisi n’est en aucune manière en liaison avec les produits ou l’entreprise de la partie qui fait cette publicité et que, sans référence factuelle aux produits ou à l’entreprise, il cherche à choquer ceux qui le regardent par la douleur humaine ou animale, et avec une telle publicité se faire remarquer ou faire remarquer ses produits à la clientèle ainsi courtisée. Dans cette forme de publicité, il ne s’agit pas d’une simple " publicité réaliste " (Werbung mit der Realità¤t), mais d’un choc publicitaire contraire au droit de la concurrence et de l’exploitation de la réputation acquise à travers une telle publicité. Une telle publicité est étrangère à la compétition entre produits (Leistungswettbewerb), contraire aux bonnes moeurs et se distingue, tant dans son objet que dans son impact, d’une publicité réaliste qui ne serait pas contestable en droit de la concurrence (voir sur ce point Henning/Bodewig, GRUR, 1993, 950).
L’annonce publicitaire attaquée constitue une telle publicité de choc contraire aux bonnes moeurs. Elle montre une partie d’un corps avec une marque de stigmatisation HIV positive inscrite au fer rouge dans la peau _ comme le matricule des victimes de l’Holocauste ou le tampon d’inspection d’une bête abattue pour sa viande. Une telle publicité est contraire aux bonnes moeurs à un haut degré, elle n’a rien à voir en particulier avec une publicité réaliste, mais elle suggère à ceux qui la regardent que les personnes malades du sida sont stigmatisées, exclues et persécutées comme l’ont été les juifs et les opposants au régime au temps de la dictature national-socialiste, qu’elles seraient traitées comme de bêtes abattues. La critique, résonnant peut-être dans une telle représentation, à l’égard de l’attitude d’une partie de la société envers les malades du sida ne confère pas une légitimation à la démarche publicitaire de la firme B.
Il y a plutôt une atteinte aux bonnes moeurs dans la publicité, quand la douleur de ces malades est utilisée comme une amorce en faveur d’une entreprise ou d’un produit. Le message de l’affiche publicitaire est non seulement choquant, mais il n’a aucun lien avec le produit ou l’entreprise de celui qui fait la publicité, il transforme les problèmes réels des personnes souffrant du sida en une relation déformée et sans rapport avec la réalité. Pour un manquement aux règles de la concurrence de cette espèce, la responsabilité incombe non seulement à celui qui fait la publicité, mais aussi à l’organe de presse reproduisant une publicité qui est contraire aux bonnes moeuurs de manière claire et grossière comme dans l’affaire en cause (cf Baumbach/Hefermehl, UWG, 17e éd. § 332). Le défendeur ne peut invoquer en sa faveur la protection de l’art. 5 de la Loi fondamentale du fait de sa participation à une violation si grave du droit de la concurrence. Au bénéfice de cette protection s’oppose le fait que la publicité contestée porte non seulement atteinte à l’art. 1 UWG _ d’une manière manifeste pour le défendeur _ mais aussi qu’elle blesse la dignité des malades du sida, dont la douleur est utilisée abusivement comme objet d’une publicité pour des vêtements. "
Bundesgerichtshof, 6 juillet 1995 (traduction d’extraits J.-L. Halpérin)
" le Landgericht a établi, sans erreur de droit et d’une manière incontestablement conforme aux règles de la procédure, que le message publicitaire, stigmatisant les malades du sida dans leur douleur et les excluant de la société, remue profondément les émotions du spectateur et fait en sorte que l’affiche s’imprime dans l’esprit du consommateur avec l’indication du nom de Benetton. Le Landgericht, en considérant que cette publicité n’était pas conciliable avec les bonnes moeuurs en matière de publicité, que l’entreprise Benetton déclenchait, avec une illustration de la douleur humaine dans ce monde, des effets sur le consommateur pour la promotion d’intérêts commerciaux, a tiré les conclusions juridiquement conformes à l’art. 1 UWG des faits rapportés. L’appréciation du Landgericht dans le cas contesté, selon laquelle la publicité par voie d’affiche de l’entreprise Benetton n’est pas en accord avec les bonnes moeuurs dans le droit de la concurrence, est exempte d’erreurs de droit. Comme le Sénat l’a exprimé dans sa décision du même jour contre l’entreprise Benetton (concernant la publicité et l’affiche " Oiseau encrassé par le pétrole ") la publicité qui veut attirer l’attention sur une entreprise commerciale est aussi soumise à l’interdiction d’un commerce contraire aux bonnes mÅ“urs de l’art. 1 UWG. Dans le cadre d’une mise en balance (Abwägung) du droit à la libre expression (art. 5 GG) et des exigences d’une conduite conforme à la concurrence selon les normes de l’UWG, une image publicitaire ne se référant pas à des produits ou à une offre de services est considérée comme contraire aux bonnes moeurs quand l’entreprise faisant sa publicité par la représentation de la détresse du monde _ que ce soit celle des créatures vivantes ou des hommes en particulier _ éveille des sentiments forts de compassion ou d’impuissance, se montre pareillement concernée et suscite une solidarité du consommateur touché de même manière par cette attitude avec le nom et en même temps avec l’activité commerciale de cette entreprise. Celui qui fait une telle publicité utilise les sentiments de compassion et de peur pour faire connaître le nom ou la marque de son entreprise qui sont représentées dans cette qualité publicitaire… Dans le cas en procès _ l’image d’une partie du corps humain avec l’empreinte " H.I.V. POSITIVE " _ il faut considérer en outre, en accord avec le Landgericht, que la publicité non seulement s’adresse de manière forte au sentiment de compassion, mais aussi qu’elle porte atteinte de manière grossière au principe de respect de la dignité humaine, dans la mesure où elle représente les malades du sida comme " marqués " et ainsi exclus de la société humaine. Une telle publicité ne peut plus être classée seulement comme une faute de goà »t, qui en tant que telle ne pourrait être soumise à aucune censure de la part d’un tribunal appliquant le droit de la concurrence.
Cette publicité est nettement allée au-delà du domaine du simple mauvais goût. Cette publicité doit être pour le moins considérée, par les personnes qui sont séropositives, comme un scandale grossier qui blesse leur dignité humaine, un impact auquel ne peut pas échapper un observateur, qui n’est pas confronté directement, par lui-même ou par des relations personnelles avec les malades du sida, avec le virus du sida et son caractère menaçant pour la vie. La pièce produite précédemment par le plaignant dans la procédure de référé, qui a été publiée dans un quotidien français en réaction à la publicité Benetton par un malade du sida montrant son visage marqué par la maladie avec le sous-titre " pendant l’agonie, la vente continue ", est une preuve claire du degré de cynisme et de mépris pour les hommes qu’atteint la représentation du malheur humain dans la publicité de l’entreprise Benetton telle qu’elle est ressentie par les personnes concernées.
L’action en révision considère que les raisonnements (du Landgericht) se situent dans une zone grise entre appréciation des faits et appréciation du droit : le Landgericht n’aurait pas pu supposer sérieusement qu’une comparaison avec l’exclusion d’autres personnes dans le passé aurait été suggérée à la jeune génération, à laquelle l’entreprise Benetton s’adresse en première ligne.
Cette argumentation de l’action en révision se heurte à l’entendement de la juridiction de révision. L’ignorance ou l’aveuglement d’une partie de la population _ qui n’est pas la seule représentative pour une appréciation en droit _ à l’égard des phénomènes de discrimination du passé, ne méritent aucune considération juridique, mais imposent, dans le domaine du droit de la concurrence, d’utiliser cette ignorance pour des intérêts commerciaux, afin de combattre l’indifférence à l’égard de la discrimination des personnes malades ou une mentalité naissante en faveur du " marquage " de certains membres de la société. L’action en révision, qui estime nécessaire en la circonstance une interrogation de l’opinion publique, méconnaît le fait que le juge confronté à l’application du concept juridique de bonnes moeurs non défini dans la loi se conforme à sa fonction obligée de compléter et d’interpréter ce concept. L’élément normatif du concept de bonnes moeiurs dans le droit de la concurrence, qui consiste à se comporter comme il se doit et non comme on le fait ou on le tolère majoritairement, ne permet pas de soumettre le concept de bonnes mÅ“urs dans la concurrence comme l’ordre des valeurs qui le détermine dans la constitution au résultat d’une enquête d’opinion (voir Ullmann, GRUR 1991, 789-791). Dans la mesure où le juge, quand il emploie le concept de bonnes mÅ“urs, s’attache au sens de la décence du professionnel moyen, il utilise ce sens symbolique comme expression de son évaluation juridique, qu’il effectue avec la prise en compte des normes sociales existantes en raison de l’ordre juridique, en particulier des valeurs de principe de la constitution et en mettant en balance les intérêts dignes de protection et les droits des professionnels (Baumbach / Hefermehl, Wettbewerbsrecht, 17e éd., Introduction, § 91). C’est sans succès que l’action en révision s’attaque aux considérations du Landgericht sur la défense de la partie assignée pour les publicités illégales de l’entreprise Benetton. Le Landgericht n’a pas méconnu le fait que le défendeur en tant qu’entreprise de presse… ne peut être jugé responsable, en raison de la liberté de la presse de l’art. 5 alinéa 1, 2e phrase de la GG, que dans les le cas où la publicité est manifestement contraire au droit et où l’atteinte à la concurrence engage la responsabilité de l’entreprise de presse sans qu’il y ait besoin de preuve complémentaire".
Bundesverfassungsgericht, 12 décembre 2000 (traduction d’extraits, J.-L. Halpérin) :
"Le porteur de la plainte constitutionnelle, une entreprise de presse, agit contre deux jugements du Bundesgerichtshof qui lui ont interdit la publication d’images publicitaires de l’entreprise Benetton en raison d’une attente aux bonnes mÅ“urs selon l’art. 1 de la loi contre la concurrence déloyale (UWG). II
§ 4 La Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof) fonde ses décisions de la manière suivante : § 6 La question des limites admissibles d’une publicité par images ne pourrait pas être résolue seulement en référence aux principes de la compétition entre produits (Leistungswettbewerb). Un entrepreneur, qui veut seulement augmenter sa réputation avec sa publicité, pourrait aussi utiliser des méthodes publicitaires qui ne feraient aucune référence aux produits ou aux services de l’entreprise. L’indélicatesse ou l’effet choquant d’une publicité n’est pas plus décisif parce que cette publicité est faite pour attirer l’attention d’une manière accrue sur l’entreprise. Il n’entre pas dans les fonctions du juge en matière de droit de la concurrence de soumettre une publicité à une censure fondée sur le bon goà »t.
§ 7 Pour les professionnels, comme pour quiconque, existe un droit de s’exprimer sur la misère du monde et de donner des informations à ce propos. Par conséquent, les lois de protection de la concurrence loyale doivent être interprétées à la lumière des droits fondamentaux. L’expression d’une opinion par un professionnel ne se situe pas en dehors du champ de protection de l’art 5, alinéa 1, phrase 1 de la GG, sous prétexte qu’il poursuit des intérêts concurrentiels. Si cette expression a pour objet des problèmes économiques, politiques, sociaux et culturels, en vue d’introduire une position qui n’est pas sans importance dans le débat public, il convient d’entreprendre une mise en balance, dans le cadre de l’application de l’art. 1 UWG, des intérêts juridiques en présence, d’un côté la loyauté dans la concurrence, de l’autre la liberté d’expression. III. Dans sa plainte constitutionnelle, la partie demanderesse invoque une atteinte par le jugement de révision à l’art. 5, alinéa 1, phrase 1 de la GG. IV.
§ 29 l’Office fédéral des cartels pense qu’une extension du concept de concurrence déloyale pourrait avoir pour conséquences de limiter la liberté de la concurrence par les frais encourus. La publicité a une fonction importante dans le cadre de l’ouverture des marchés
§ 30 l’association allemande pour la protection juridique du commerce et de la propriété intellectuelle
§ 32 la publicité Benetton suscite des émotions d’une manière qui fausse la concurrence et qui n’a rien à voir avec les produits de l’entreprise… le Congrès allemand du commerce et de l’industrie considère que la plainte constitutionnelle est infondée
§ 33 la confédération des associations de consommateurs… § 37 doit être un leitmotiv le principe selon lequel on ne doit faire aucun commerce avec le malheur d’autrui. B. § 38 Les plaintes constitutionnelles sont fondées… I. § 39 Le domaine de protection de la liberté de la presse inclut tous les contenus d’un organe de presse, parmi lesquels les images publicitaires. On ne peut interdire à un organe de presse la publication de l’opinion d’autrui, quand cette expression et sa diffusion sont autorisées pour celui qui porte cette opinion.
La protection de l’art. 5, alinéa 1, phrase 1 de la GG, ici intégrée à la protection de la liberté de la presse, s’étend aussi aux opinions commerciales comme à une pure publicité qui a un contenu porteur d’une opinion, d’un jugement de valeur.
§ 41 Les trois photos publicitaires contestées correspondent à ces conditions. Elles illustrent des malheurs collectifs (la pollution de l’environnement, le travail des enfants, l’exclusion des personnes infectées par le sida) et contiennent en même temps un jugement de valeur sur des questions pertinentes d’un point de vue social et politique. Ce sont des images parlantes avec un contenu porteur de sens. Il en va de même pour les jugements attaqués quand ils affirment que les annonces publicitaires dénoncent les malheurs du monde. Des expressions d’opinions, qui ont une telle visée et qui attirent l’attention des citoyens sur des malheurs collectifs bénéficient de la protection de l’art. 5, alinéa 1, phrase 1 de la GG de manière particulière (voir BVerGE 28, 191, ). Cela ne change rien à la question que l’entreprise Benetton ait renoncé à tout commentaire en abordant les thèmes évoqués dans le cadre d’une pure publicité par images et qu’elle mentionne seulement son logo. De cette situation peut certes naître le sentiment qu’il ne s’agit pas pour l’entreprise faisant cette publicité d’une contribution au débat d’idées mais simplement d’une participation dans ce débat. Une telle signification, qui donne à l’observateur une relation subjective avec le contenu du message, n’est pourtant pas la seule possible et n’est pas celle qui est suggérée a priori par les publicités. Les messages venant des images publicitaires sont livrés par l’entreprise Benetton à la perception publique et les tribunaux n’ont exprimé aucun doute à cet égard. C’est aussi le point de vue du photographe Oliviero Toscani, qui a conçu ces publicités et pour qui Benetton utilise ces images comme " un véhicule pour diffuser un état d’esprit antiraciste, cosmopolite et libéré des tabous
§ 44 L’interdiction (prononcée par la Cour fédérale de justice à l’égard de la publicité) n’est pas fondée en droit et en conformité avec la constitution.
§ 45 L’art. 1 UWG, sur lequel la Cour fédérale de justice appuie son interdiction, est une loi générale dans le sens de l’art. 5, alinéa 2 GG (voir BVerfGE 62, 230, ; 85, 248, ). Cet article sert la protection des concurrents, des consommateurs et de ceux qui participent habituellement au marché aussi bien que de la société en général (voir Baumbach/Hefermehl, Wettbewerbsrecht, 21e éd., 1999, Intro.
§ 42, 51, 55 ; Emmerich, Das Recht des unlauteren Wettbewerbs, 5e éd., 1998, p. 13). La liberté de l’activité économique ne peut pas conduire à ce que des particuliers tirent avantage en termes de concurrence de pratiques inadmissibles. Ces buts sont en accord avec l’ordre de valeurs de la Loi fondamentale (voir BVerfGE, 32, 311, )…
§ 55 Ce jugement de contrariété avec les bonnes moeurs, que la Cour fédérale de Justice a formulé sur la base de l’interprétation de l’art. 1 UWG, comporte une évaluation des règles de bienséance et pourrait en tant que tel être accepté par de vastes parties de la population. Derrière ce jugement il y a le souhait de vivre dans une société, dans laquelle on ne réagit pas à la détresse avec des espoirs de gains dépourvus de sentiments, mais avec empathie et solidarité, d’une manière qui est en relation primaire avec le malheur. Si des intérêts publics et privés suffisamment sérieux peuvent être protégés en même temps n’est pas facile à reconnaître.
§ 56 L’idée que les publicités nuisent gravement au public, comme le pense le demandeur dans l’action qui a enclenché le procès, n’est pas prise en compte par la Cour fédérale de justice elle-même. Celle-ci ne considère pas comme contraire aux bonnes moeurs au sens de l’art. 1 UWG les atteintes au bon goà »t ou la provocation choquante qui serait le fait des publicités. Cet argument est également valable, même si l’on prend en compte, avec l’Association allemande pour la protection de la liberté d’entreprise et de la propriété intellectuelle, un phénomène d’augmentation de ce type de publicité par un effet d’imitation. Une indifférence des citoyens pour les malheurs du monde ne peut être une raison pour limiter la protection des droits fondamentaux par l’État. Il peut en être jugé autrement, si sont publiées des images immondes, suscitant l’effroi ou dangereuses pour la jeunesse ...
§ 57 De nos jours, une grande partie de la publicité s’efforce d’attirer l’attention et la sympathie en suscitant des émotions. La publicité commerciale utilise partout des images qui éveillent la libido avec une force de suggestion, qui invoquent le besoin de liberté ou de dépassement des limites ou qui promettent l’éclat d’une réussite sociale.
§ 62 D’un autre côté il est porté atteinte à la liberté d’expression de manière grave. Les publicités attirent l’attention sur des thèmes pertinents d’un point de vue social et politique et sont adaptées pour renforcer cette attention du public.
§ 65 Le jugement attaqué dans l’affaire ne se fonde pas seulement sur l’interprétation déjà mentionnée de l’art. 1 UWG. Plutôt qu’en raison d’une atteinte à la concurrence, la Cour fédérale de justice porte ce jugement sur les affiches concernées (H.I.V. POSITIVE), parce qu’elles portent atteinte de manière grave au principe de respect de la dignité humaine, dans la mesure où elles représentent les malades du sida comme " marqués d’un tatouage " et exclus de la société humaine.
§ 66 Ce fondement doit être approuvé dans sa démarche. Il est hors de doute en droit constitutionnel que l’art 1 UWG doit être interprété comme impliquant la contrariété aux bonnes mÅ“urs d’une image portant atteinte à la dignité de la personne représentée. Cette interprétation tient compte du fait que la protection de ce bien (la dignité humaine) justifie des limitations à la liberté d’expression y compris dans le domaine sensible de la critique sociale et politique.
§ 67 L’invocation de ce principe à l’égard des affiches concernées (H.I.V. POSITIVE) nécessite cependant une preuve selon les critères de l’art. 5, alinéa 1, phrase 1 de la GG qui n’est pas rapportée… Ce n’est pas le rôle de la Cour constitutionnelle de déterminer de manière conclusive le sens d’une expression controversée ou de remplacer, au regard des exigences des droits fondamentaux, une signification par une autre qu’elle juge plus pertinente. Mais les exigences relatives aux droits fondamentaux requièrent que l’expression soit interprétée en incluant son contexte et en ne lui attribuant pas un sens qu’elle ne peut avoir objectivement.
§ 69 La publicité n’est pourtant pas univoque. Elle montre, sans commentaire, un homme qui semble marqué par le tatouage comme " H.I.V. POSITIVE ". Il n’en ressort pas que le constat scandaleux, mais non irréaliste, d’une discrimination sociale et d’une exclusion des personnes infectées par le HIV soit affirmé, approuvé ou minimisé. Du moins, le sens évoqué est celui d’une prise de position critique à l’égard d’une tendance accusatrice, celle de l’exclusion des malades du sida. L’affiche pourrait être utilisée, comme la partie qui a porté la plainte constitutionnelle l’a remarqué, dans un congrès sur le sida.
§ 72 La Cour fédérale de justice a méconnu la possibilité suggérée que l’affiche attire l’attention publique en faveur d’un point de vue critique sur la réalité de la discrimination et de l’exclusion des malades du sida… ".
Affaire relative au port du foulard . Arrêt de la Seconde Chambre du 24 septembre 2003. 2 BvR 1436/02 8
1. L’arrêt de la Cour fédérale administrative du 4 juillet 2002 - BVerwG 2 C 21.01 -, l’arrêt de la Cour administrative de Bade-Wurttemberg du 26 juin 2001 - 4 S 1439/00 -, le jugement du tribunal administratif de Stuttgart du 24 mars 2000 - 15 K 532/99 -, ainsi que la décision administrative du 10 juillet 1998, dans la forme de la décision rendue sur une opposition du 3 février 1999, de l’inspection générale des écoles de Stuttgart - 1 P L., F./13 - portent atteinte aux droits que la requérante détient en vertu des dispositions combinées des articles 33, alinéa 2, 4, alinéas 1 et 2 et 33, alinéa 3 de la Loi fondamentale. L’arrêt de la Cour fédérale administrative est annulé. L’affaire est renvoyée devant la Cour fédérale administrative. 2. La République fédérale d’Allemagne et le Land de Bade-Wurttemberg doivent à parts égales rembourser à la requérante les frais occasionnés par la procédure du recours constitutionnel.
Motifs A. La requérante demande sa nomination à un poste d’enseignant dans le Land de Bade-Wurttemberg. Son recours constitutionnel est dirigé contre la décision de l’inspection générale des écoles de Stuttgart, confirmée par les tribunaux administratifs, refusant de la nommer, en tant que fonctionnaire en période de probation, professeur des écoles primaires et des collèges au motif qu’il lui manquerait l’aptitude requise, suite à sa déclaration de vouloir porter un foulard, tant à l’école que pendant les cours. I. 1. La requérante est née en 1972 à Kaboul (Afghanistan). Elle vit en Allemagne de manière ininterrompue depuis 1987 et a obtenu la nationalité allemande en 1995. Elle est de confession musulmane. Après avoir passé le premier examen d’État et fait le stage préparatoire, elle a été admise au second examen d’État pour les postes d’enseignant auprès des écoles primaires et des collèges, avec spécialisation pour les collèges. Ses matières de formation étaient l’allemand, l’anglais et l’instruction civique/l’économie. 2. La requête de la requérante demandant à être engagée dans le service scolaire des écoles primaires et des collèges du Land de Bade-Wurttemberg a été rejetée par l’inspection des écoles de Stuttgart au motif que la requérante ne possédait pas l’aptitude personnelle requise. Parmi les motifs de cette décision, l’inspection générale des écoles faisait mention du refus de la requérante de s’abstenir de porter un foulard pendant les cours, considérant que le foulard serait une manifestation de délimitation culturelle et ainsi un symbole non seulement religieux, mais également politique. L’effet objectif de non-intégration culturelle lié au port du foulard ne serait pas compatible avec l’exigence de la neutralité de l’État. [...]
5. Le tribunal administratif de Stuttgart a rejeté la plainte de la requérante et développé dans ses motifs la considération suivante : le port, pour des raisons religieuses, d’un foulard par un professeur constituerait un défaut d’aptitude au sens du § 11, alinéa 1 de la loi sur les fonctionnaires du Land de Bade-Wurttemberg (LBG). Le principe de neutralité de l’État et les droits des élèves et des parents seraient confrontés à la liberté de religion de la requérante. [...] 6. L’appel dirigé contre ce jugement a été rejeté par la Cour administrative de Bade-Wurttemberg. [...] 7. La Cour fédérale administrative a rejeté le pourvoi en cassation de la requérante, considérant qu’il serait correct de subordonner la nomination de la requérante à un poste de l’enseignement scolaire public à sa disposition d’ôter son foulard pendant les cours. [...] B. Le recours constitutionnel est recevable et fondé. Les décisions contestées violent les dispositions combinées des articles 33, alinéa 2, 4, alinéas 1 et 2 et 33, alinéa 3 de la Loi fondamentale. Le port d’un foulard manifeste, dans le contexte de l’affaire à juger, l’appartenance de la requérante à la religion musulmane et son identification personnelle en tant que musulmane. Qualifier un tel comportement de manque d’aptitude pour le poste de professeur des écoles primaires et des collèges porte atteinte au droit de la requérante à l’égalité d’accès à toute fonction publique selon l’article 33, alinéa 2 GG 9 en rapport avec son droit à la liberté religieuse garanti par l’article 4, alinéas 1 et 2 GG, sans qu’il y ait actuellement pour cela un fondement légal nécessaire suffisamment précis. Ainsi, l’accès à une fonction publique a été refusé à la requérante de manière inadmissible au regard du droit constitutionnel. I. En général, le contrôle de constitutionnalité dans le cadre d’un recours constitutionnel dirigé contre une décision de justice se borne à l’examen de la question de savoir si les décisions contestées, dans l’interprétation et l’application du droit commun, sont basées sur une conception fondamentalement erronée de la signification et de la portée du droit fondamental revendiqué ou si elles sont arbitraires [cf. Recueil BVerfGE 18, 85 (93), jurisprudence constante].
Toutefois, dans la mesure où le tribunal dont la décision est contestée par le recours constitutionnel a lui-même directement interprété et appliqué des normes contenant des droits fondamentaux, il appartient à la Cour constitutionnelle fédérale de déterminer la portée et les limites des droits fondamentaux, ainsi que de constater si des droits fondamentaux ont été, conformément à leur étendue et à leur importance, pris en considération de manière suffisante au regard du droit constitutionnel. Ce qui est le cas ici. La Cour fédérale administrative, ainsi que les instances précédentes, ont fait d’une certaine interprétation de l’article 33, alinéa 2 GG en rapport avec l’article 4, alinéas 1 et 2 GG un fondement essentiel de leurs décisions. Conformément à sa fonction de préserver, de développer et de faire évoluer le droit constitutionnel, ainsi et surtout que de découvrir les différentes fonctions d’une norme contenant un droit fondamental [cf. Recueil BVerfGE 6, 55 (72) ; 7, 377 (410)], la Cour constitutionnelle fédérale n’est pas, en ce qui concerne ses rapports avec les tribunaux des différents ordres juridictionnels, limitée à l’examen de la question de savoir si ces derniers ont appliqué le droit constitutionnel de manière non arbitraire. Elle doit elle-même juger en dernier ressort de l’interprétation et de l’application du droit constitutionnel. [...] 2. L’obligation faite à un fonctionnaire de ne pas, en tant que professeur, rendre visible par le respect d’exigences religieuses relatives à la tenue vestimentaire, dans l’école et pendant les cours, son appartenance à une communauté religieuse, porte atteinte à la liberté religieuse individuelle garantie par l’article 4, alinéas 1 et 2 GG. Elle impose à la personne concernée le choix, soit d’exercer la fonction publique à laquelle elle aspire, soit de se conformer aux exigences vestimentaires imposées par la religion et considérées comme obligatoires par la personne en question. [...]
3. Il est également porté atteinte à l’article 33, alinéa 3 GG. Selon cette disposition, l’admission aux fonctions publiques est indépendante de la croyance religieuse (phrase 1) ; nul ne doit subir de préjudice du fait de son appartenance ou de sa non-appartenance à une religion ou à une opinion philosophique (phrase 2). [...] 4. a) Le port d’un foulard par la requérante, y compris à l’école, fait partie du domaine de la liberté religieuse, protégée et garantie par l’article 4, alinéas 1 et 2 GG. Selon les constatations des juridictions administratives, fondées sur les faits et non contestées pendant la procédure du recours constitutionnel, la requérante considère le port d’un foulard comme obligatoire pour elle selon les règles de sa religion. Le respect de ces exigences vestimentaires est pour elle une manifestation de sa foi religieuse. La question, controversée, de savoir si et dans quelle mesure le port d’un voile par les femmes est prescrit par les règles de la religion musulmane est sans importance ici. Bien que tout comportement d’une personne ne puisse être considéré comme manifestation de la liberté religieuse bénéficiant d’une protection spéciale en se basant uniquement sur l’appréciation subjective de la personne concernée, il ne doit pas être omis, lorsqu’il s’agit d’apprécier le comportement dont une personne déclare qu’il est la manifestation de sa liberté religieuse, de prendre en considération la conception que la communauté religieuse a d’elle-même [cf. Recueil BVerfGE 24, 236 (247s.)].
L’obligation pour les femmes de porter un foulard en public peut, eu égard à son contenu et à son apparence, être rattachée de manière suffisamment raisonnable, en tant que règle religieuse musulmane, au champ de protection couvert par l’article 4, alinéas 1 et 2 GG [cf. pour cette question également le Recueil BVerfGE 83, 341 (353)]. Les juridictions administratives ont procédé à cet examen d’une manière non critiquable au regard du droit constitutionnel. b) La présomption selon laquelle il manquerait à la requérante l’aptitude requise pour assumer les tâches de professeur des écoles primaires et des collèges, parce qu’elle désire, en opposition aux obligations existantes du service, porter à l’école et pendant les cours, un foulard manifestant son appartenance à la communauté religieuse musulmane, ainsi que le refus, basé sur cette présomption, de lui ouvrir l’accès à une fonction publique seraient compatibles avec l’article 4, alinéas 1 et 2 GG si des droits de valeur constitutionnelle s’opposaient à l’exercice envisagé de la liberté religieuse et si cette limitation apportée au libre exercice de la religion était fondée sur une base légale suffisamment précise. En l’espèce, outre l’obligation de l’État d’assurer l’enseignement public (art. 7, al. 1 GG) tout en respectant l’exigence de neutralité religieuse et philosophique, le droit des parents d’éduquer leurs enfants (art. 6, al. 2 GG), ainsi que la liberté religieuse négative des élèves (art. 4, al. 1 GG) mériteraient d’être pris en considération en tant que droits de valeur constitutionnelle entrant en conflit avec la liberté de religion. aa)
Par ses articles 4, alinéa 1, 3, alinéa 3, phrase 1, 33, alinéa 3 GG, ainsi que par les dispositions combinées des articles 136, alinéa 1 et 4, 137, alinéa 1 de la Constitution de la République de Weimar et 140 GG, la Loi fondamentale impose à l’État en tant que foyer de tous les citoyens, la neutralité en matière philosophique et religieuse. Elle interdit l’instauration d’une quelconque forme juridique d’église d’État et elle prohibe de privilégier certaines confessions, ainsi que d’exclure des personnes de confessions différentes [cf. Recueil BVerfGE 19, 206 (216) ; 24, 236 (246) ; 33, 23 (28) ; 93, 1 (17)]. L’État doit observer une attitude conforme au principe d’égalité à l’égard des différentes communautés religieuses et philosophiques [cf. Recueil BVerfGE 19, 1 (8) ; 19, 206 (216) ; 24, 236 (246) ; 93, 1 (17)]. Il ne doit pas s’identifier à une communauté religieuse déterminée [cf. Recueil BVerfGE 30, 415 (422) ; 93, 1 (17)]. L’État libéral instauré par la Loi fondamentale se caractérise par son esprit d’ouverture à l’égard de la multitude des convictions philosophiques et religieuses. Il fonde cette attitude sur une conception de l’homme marquée par le principe de dignité humaine et le libre développement de la personnalité empreint de l’autonomie et de la responsabilité personnelles [cf. Recueil BVerfGE 41, 29 (50)].
La neutralité dont l’État doit faire preuve en matière philosophique et religieuse ne doit toutefois pas être comprise dans le sens d’une séparation stricte de l’Église et de l’État, mais dans le sens d’une position ouverte et globale, favorisant de la même manière la liberté de religion de toutes les croyances. L’article 4, alinéas 1 et 2 GG impose aussi de manière positive d’assurer aux personnes la possibilité d’exercer leur foi et de réaliser leur personnalité autonome en matière philosophique et religieuse [cf. Recueil BVerfGE 41, 29 (49) ; 93, 1 (16)]. L’État n’a pas le droit d’exercer une influence en faveur d’une conception politique, idéologique ou philosophique déterminée, ni de s’identifier, par des mesures provenant de lui ou se rattachant à lui, de façon explicite ou indubitable à une certaine croyance ou idée philosophique et ainsi de mettre lui-même en péril la paix religieuse dans une société [cf. Recueil BVerfGE 93, 1 (16 s.)].
Le principe de neutralité religieuse et philosophique de l’État lui interdit également d’apporter une appréciation relative à la foi et à la doctrine d’une communauté religieuse [cf. Recueil BVerfGE 33, 23 (29)]. Conformément à la conception existant jusqu’à présent relative au rapport entre l’État et la religion et telle qu’elle a trouvé son expression dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, ceci vaut tout spécialement aussi pour le domaine de l’école obligatoire, pris en charge par l’État et pour lequel, de par sa nature même, des conceptions philosophiques et religieuses ont toujours eu un rôle important [cf. Recueil BVerfGE 41, 29 (49) ; 52, 223 (241)]. Des références chrétiennes ne sont donc pas purement et simplement interdites dans l’organisation de l’école publique. Toutefois, l’école doit rester ouverte par rapport à d’autres conceptions et valeurs philosophiques et religieuses [cf. Recueil BVerfGE 41, 29 (51) ; 52, 223 (236s.)].
C’est par cette ouverture d’esprit que l’État libéral, créé par la Loi fondamentale, préserve sa neutralité religieuse et philosophique [cf. Recueil BVerfGE 41, 29 (50)]. En ce qui concerne les tensions, inévitables lorsque des enfants de religions et idées philosophiques différentes sont éduqués ensemble, il convient de trouver un arrangement (cf. Recueil BVerfGE 41, 29 (63) ; 52, 223 (247, 251) ; 93, 1 (21ss.) (voir aussi infra sous dd), tout en tenant compte de l’obligation de tolérance en tant que manifestation de la dignité humaine (art. 1, al. 1 GG). bb) L’article 6, alinéa 2, phrase 1 GG garantit aux parents le droit naturel d’élever et d’éduquer leurs enfants et inclut aussi, en rapport avec l’article 4, alinéa 1 GG, le droit d’éduquer leurs enfants en matière religieuse et philosophique. Il est donc en premier lieu de la compétence des parents de transmettre à leurs enfants les conceptions philosophiques et religieuses qu’ils considèrent justes [cf. Recueil BVerfGE 41, 29 (44, 47 s.) ; 52, 223 (236) ; 93, 1 (17)]. [...] cc)
Finalement, la liberté de l’exercice de ses croyances, revendiquée par la requérante par le port d’un foulard à l’école et pendant les cours, et la liberté religieuse négative des élèves interfèrent. L’article 4, alinéas 1 et 2 GG, qui protège de manière égale tant la manifestation positive que négative de la liberté de religion, garantit aussi la liberté de ne pas assister à des actes cultuels d’une croyance que l’on ne partage pas. Ceci vaut également pour les cultes et les symboles par lesquels une croyance ou une religion se manifeste. [...] dd) La Loi fondamentale laisse aux Là¤nder une grande autonomie en ce qui concerne l’organisation de l’école. L’article 7 GG vise également la large autonomie des Là¤nder et, dans le cadre de leurs compétences en matière scolaire, l’organisation, libre en principe, de l’école obligatoire, y compris en ce qui concerne l’empreinte religieuse et philosophique des écoles publiques [cf. Recueil BVerfGE 41, 29 (44 s.) ; 52, 223 (242s.)]. Il revient au législateur démocratique du Land d’apporter, tout en tenant compte du principe de tolérance, une solution à la tension, inévitable, entre d’une part, la liberté religieuse positive d’un professeur et d’autre part, l’obligation de l’État de rester neutre face aux religions et philosophies, le droit des parents d’éduquer leurs enfants, ainsi que la liberté religieuse négative des élèves. Il doit rechercher, par le processus public conduisant à une prise de décision, un compromis raisonnable pour tous. Dans sa législation, il doit s’orienter en tenant compte d’une part de ce que l’article 7 GG admet des influences philosophiques et religieuses à l’école, tout en respectant le droit des parents d’éduquer leurs enfants, et que d’autre part, l’article 4 GG impose lors d’un choix en faveur d’une certaine forme d’organisation de l’école, d’éviter le plus possible des contraintes philosophiques et religieuses.
Les normes sont à observer ensemble et il faut harmoniser leur interprétation et leur champ d’application. Ceci implique que les différents Là¤nder peuvent trouver des solutions différentes, car, pour aboutir au compromis recherché, les traditions scolaires, la composition religieuse de la population et les degrés plus ou moins forts de l’enracinement de la religion dans les différents Là¤nder peuvent être pris en considération [cf. Recueil BVerfGE 41, 29 (50 s.) ; 93, 1 (22 s.)]. [...] 5. Le fait, pour des professeurs, d’introduire des références religieuses ou philosophiques à l’école et pendant les cours peut porter atteinte à l’obligation de l’État d’assurer l’enseignement public de manière neutre, au droit des parents d’éduquer leurs enfants, ainsi qu’à la liberté religieuse négative des élèves. Ce comportement ouvre au moins la possibilité d’exercer une influence sur les élèves et peut provoquer des conflits avec les parents qui conduiraient à des troubles de la paix scolaire et mettraient en danger l’accomplissement de la fonction éducative de l’école. La tenue vestimentaire de professeurs, motivée par la religion et devant être interprétée comme manifestation d’une certaine croyance religieuse, peut produire ces effets.
Toutefois, il s’agit ici de dangers d’un caractère abstrait. Si la simple possibilité d’une menace ou d’un conflit résultant de la manière de se présenter d’un professeur, et non pas seulement un comportement concret se présentant comme tentative d’influencer voire d’endoctriner les élèves placés sous la responsabilité du professeur, doit être considérée comme une violation des obligations du fonctionnaire ou comme un manque d’aptitude empêchant la nomination en tant que fonctionnaire, cela suppose une base légale suffisamment déterminée qui l’autorise, car il s’agit alors d’une restriction du droit fondamental garanti sans réserve par l’article 4, alinéas 1 et 2 GG. Cette base légale fait défaut en l’espèce. a) Lorsqu’il s’agit de trancher la question de savoir si une certaine tenue vestimentaire ou d’autres signes distinctifs exprime une conception philosophique ou religieuse comme le fait un symbole, il faut prendre en considération tant l’effet du moyen d’expression utilisé que toutes les possibilités d’interprétation de ce moyen. Contrairement à la croix chrétienne [cf. Recueil BVerfGE 31, 1 (19 s.)], le foulard n’est pas en lui-même un symbole religieux. Ce n’est qu’en relation avec la personne qui le porte, ainsi qu’avec le comportement de celle-ci que le foulard peut avoir les mêmes effets. Le foulard porté par les musulmanes est perçu comme l’expression d’opinions et de valeurs très différentes. [...] b) À l’égard de l’effet de moyens d’expression religieuse, il convient de distinguer entre le cas où le signe en question est utilisé sur incitation de l’administration scolaire et celui où il est utilisé individuellement par un professeur suite à un choix personnel et pouvant ainsi revendiquer le droit individuel découlant de l’article 4, alinéas 1 et 2 GG. [...] c) La présomption de manquement aux obligations du service à cause de la crainte d’une influence déterminante sur l’orientation religieuse des élèves résultant du foulard de la requérante, ne peut être basée sur des fondements empiriques suffisants. [...] d) Il manque en tous les cas une base légale suffisamment déterminée pour refuser, à cause du refus de la requérante d’enlever son foulard à l’école et pendant les cours, sa nomination pour défaut d’aptitude. [...] 6. Il est toutefois loisible au législateur compétent du Land de créer la base légale faisant défaut jusqu’à présent.
Celui-ci peut, par exemple, tout en respectant les exigences constitutionnelles, redéfinir le degré de référence religieuse tolérable au sein de l’école. En procédant ainsi, il doit suffisamment tenir compte à la fois de la liberté religieuse des professeurs et des élèves concernés, du droit des parents d’éduquer leurs enfants et de l’obligation de l’État de faire preuve de neutralité en matière philosophique et religieuse. a) La Cour fédérale administrative a souligné entre autres dans sa décision contestée que le principe de neutralité de l’État gagnait de plus en plus d’importance eu égard à la diversification culturelle et religieuse croissante, accompagnée en même temps d’une proportion de plus en plus grande d’élèves sans confession. De plus, elle a souligné que ce principe ne devrait pas être assoupli au motif que la diversité culturelle, ethnique et religieuse en Allemagne marquerait aussi aujourd’hui la vie scolaire.
Lors de l’audience orale, le représentant de l’inspection générale de Stuttgart, le professeur Dr. F. Kirchhof, a également remarqué qu’eu égard aux conditions changées, le devoir de neutralité philosophique et religieuse de l’État dans le secteur scolaire devait désormais être appliqué plus strictement. Le changement au sein de la société lié à la pluralité religieuse croissante peut donner lieu à une redéfinition du degré de référence religieuse tolérable au sein de l’école. D’une réglementation légale ayant un tel but peuvent ainsi découler des concrétisations des devoirs des professeurs, y compris quant à leur apparence extérieure, si cette dernière rend visible leur attachement à certaines conceptions philosophiques ou religieuses. Ainsi, tout en respectant les exigences constitutionnelles, une limitation par voie légale de la liberté de religion est envisageable. Lorsqu’il est dès le départ prévisible qu’un candidat ne respectera pas de telles règles de comportement, ceci pourra être considéré comme manque d’aptitude requise. [...] b) Il ne revient pas au pouvoir exécutif de trancher la question de savoir comment il convient de réagir face aux conditions changées, notamment en ce qui concerne le type de règles devant être adoptées quant à la tenue vestimentaires des professeurs et toute autre forme d’apparition face aux élèves, afin de concrétiser leurs devoirs de service et de préserver la paix religieuse, et donc, de déterminer quelles conditions sont requises pour exercer la fonction de professeur. Cela nécessite une réglementation adoptée par le législateur du Land et bénéficiant de la légitimité démocratique.
En ce qui concerne l’appréciation des évolutions concrètes, dont dépend la question de savoir si des droits fondamentaux opposés des élèves ou des parents ou d’autres valeurs constitutionnelles justifient une telle réglementation obligeant les professeurs de toutes les confessions à n’utiliser des marques à connotation religieuse qu’avec extrême retenue, il n’appartient qu’au seul législateur d’y procéder, les administrations et les tribunaux ne pouvant avoir recours à cette prérogative [cf. Recueil BVerfGE 50, 290 (332s.) ; 99, 367 (389s.)]. La présomption selon laquelle l’interdiction du port d’un foulard dans les écoles publiques peut constituer, en tant qu’élément d’une décision du législateur relative aux rapports entre l’État et la religion dans le domaine scolaire, une restriction admissible de la liberté de religion est également conforme à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (cf. décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 15 février 2001, NJW 2001, p. 2871ss.). [...]
III. Aussi longtemps qu’il n’y a pas de base légale dont il résulte de manière suffisamment précise qu’il existe un devoir de service pour les professeurs des écoles primaires et des collèges de s’abstenir d’utiliser à l’école et pendant les cours des signes distinctifs de leur religion, la présomption que la requérante ne remplit pas les conditions d’aptitude requises n’est pas, selon le droit actuellement en vigueur, conforme aux dispositions combinées des articles 33, alinéa 2, 4, alinéas 1 et 2 et 33, alinéa 3 GG. Les décisions contestées par le recours constitutionnel portent donc atteinte aux droits de la requérante garantis par ces normes. L’arrêt de la Cour fédérale administrative doit être annulé et l’affaire renvoyée devant la Cour fédérale administrative (§ 95, al. 2 de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale).
La décision relative au remboursement des frais occasionnés par la procédure est fondée sur le § 34a, alinéa 2 de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale. C. Cette décision a été rendue par cinq voix contre trois.
L´autorisation du port du voile islamique par la Cour Constitutionnelle Allemande. Soumis le 19/06/2015 par Paul Mougeolle dans MBDE / Libertés et droits fondamentaux
Alors que la France a peu à peu radicalisé la facette dite ˜négative’ de la laïcité “ autrement dit, a entamé un processus de prohibition de la manifestation de l’appartenance religieuse dans le domaine public, le juge constitutionnel allemand a lui, aux termes d´une décision innovante en matière de qualification juridique des pratiques religieuses, conférant ainsi au voile islamique le statut hybride d´une " pratique religieuse impérative ", choisi la voie de la permissivité de la manifestation religieuse. La 1ere Chambre de la Cour Constitutionnelle Allemande (ci-après " la Cour ", BVerfG “ 1 BvR 471/10 -, - 1 BvR 1181/10) a saisi l´opportunité d’un recours constitutionnel du 27 janvier 2015 pour réaffirmer l´importance des droits et libertés fondamentales religieuses individuelles, qui ont tendance ces derniers temps à être négligé au profit de principes abstraits et ambigus, tels que la laïcité en France ou plus concrètement pour des valeurs " chrétiennes-occidentales " comme c´est le cas dans cet arrêt. La Cour a tout d’abord déclaré la disposition de l´art. 57 §4 3ème phrase du Land de la Rhénanie-Du-Nord-Westphalie relative à l´éducation selon les valeurs chrétienne-occidentale contraire à la loi fondamentale allemande, en raison de la violation du principe d´égalité et de non-discrimination (§138 de la décision). De surcroît, elle a interprété le port du foulard islamique par les agents de l´État, ou plus généralement le port d´objets ou de vêtements religieux considérés “ ou pouvant être considérés comme obligatoires“ comme n´étant pas a priori incompatible avec l´impératif de neutralité de l’État. Pour la Cour, une mise en balance adaptée des différents droits constitutionnels“ à savoir la liberté de conscience du corps d´enseignant, la liberté confessionnelle ’négative’ des élèves et des parents, le droit fondamental d´éducation des parents et le devoir éducatif de l´État “ requiert une interprétation limitative des normes interdisant la manifestation religieuse, selon laquelle un danger suffisant et concret doit exister au minimum pour protéger la " paix confessionnelle scolaire " ou la neutralité de l´État (§ 80 de la décision). En d´autres termes, une prohibition préventive des manifestations religieuses impératives est contraire à la loi fondamentale allemande (ci-après " GG ")... Cependant comme le soutient la Cour de Karlsruhe, il n´est pas aussi simple d´appréhender certaines pratiques religieuses comme le voile qui peuvent avoir des facettes complexes. D´après la Cour, " le voile n´est pas en soi un symbole religieux. [...] Le port d´un tel habit permet seulement de satisfaire une prescription religieuse. [...] Mais pris dans le contexte social, il indique une appartenance à la religion musulmane. En cela, une connotation religieuse lui a été conférée. " (§96 ; BVerfG 108, 282 ). La qualification juridique du port du voile comme étant simplement une manifestation d´appartenance religieuse est donc ici sérieusement remise en question. En outre, la retenue du juge français et européen en la matière, conduisant à une réduction du précepte religieux musulman à une simple manifestation d´appartenance religieuse se révèle ici au contraire être une interprétation partiale, a fortiori si on en mesure les conséquences.
Par conséquent, une prohibition du voile porte atteinte à la liberté de manifester sa religion (Art. 4 §1 de la loi fondamentale allemande ; ci-après " GG "), mais également à la liberté de conscience intérieure (Art. 4 §2 GG), car une pratique religieuse impérative est, selon la Cour, inséparable de la conviction subjective du for intérieur (§96). Pour autant ça n’en fait pas non plus un droit indérogeable, le poids de l’immixtion dans la liberté fondamentale est seulement plus important... Ainsi, seul un danger concret de la " paix scolaire " et/ou ne respectant pas " le respect des convictions de chacun " peut justifier une prohibition au cas par cas du port de signes ou de tenues religieuses obligatoires (§ 80). Cette interdiction, qui doit être limitée dans le temps et dans l´espace, est envisageable même de manière préventive et plus générale dans une situation, dans laquelle la paix confessionnelle et/ou la neutralité de l´État a été mise en danger un nombre de fois considérable (§113). Mais tant que ce danger concret n´existe pas, la foi des uns et des autres doit être respectée dans une société démocratique, tolérante et ouverte. En effet, le fait qu´un agent de l´éducation nationale porte un signe religieux, reflète tout simplement le pluralisme de la société, auquel chaque enfant est confronté en dehors de l´école (§115). Ainsi, la facette négative de la liberté de conscience (qui rejoint celle de la laïcité) implique seulement l´indifférence ou plus exactement la tolérance des autres religions, mais elle ne permet pas d´épargner la confrontation avec les pratiques religieuses d´autrui (§ 116).
La Cour ajoute enfin que le port du voile est différent de la présence du crucifix en classe, car ce dernier implique un lien d´identification direct de l´État avec la religion chrétienne. En cela, la position de la Cour se démarque encore une fois de celle de la CEDH (CEDH [GC], Lautsi c. Italie, n° 30814/06).
En utilisant les textes ci-joint, sans vous priver de faire des références à d’autres normes connues de vous dans divers systèmes juridiques, vous êtes invité(e) à réfléchir en utilisant la méthode comparative sur les rapports juridiques entre Etats et religion(s). En répondant à toutes les questions (chacune notée sur 5) à la fin du document, vous veillerez à mettre en valeur ce que le droit comparé apporte à la compréhension des normes étrangères, à la prise en compte des transferts de droit ou des circulations juridiques, comme aux limites de la comparaison entre des sociétés très diverses.
1) Textes de droit constitutionnel :
Constitution belge : Article 19 La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés. Article 20 Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jours de repos. Article 21 L’État n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination, ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication. Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s’il y a lieu. Article 181 Paragraphe premier. Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget. Paragraphe 2. Les traitements et pensions des délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget.
Constitution italienne : Article 7 L’État et l’Église catholique sont, chacun dans son ordre, indépendants et souverains. Leurs rapports sont réglementés par les pactes du Latran. Les modifications des pactes, acceptées par les deux parties, n’exigent pas de procédure de révision constitutionnelle. Article 8 Toutes les confessions religieuses sont également libres devant la loi. Les confessions religieuses autres que la confession catholique ont le droit de s’organiser selon leurs propres statuts, en tant qu’ils ne s’opposent pas à l’ordre juridique italien. Leurs rapports avec l’État sont fixés par la loi sur la base d’ententes avec leurs représentants respectifs.
Constitution portugaise : Article 41 1. La liberté de conscience, de religion et de culte est inviolable. 2. Nul ne peut être poursuivi, privé de droits ou dispensé d’obligations ou de devoirs civiques en raison de ses convictions ou de ses pratiques religieuses. 3. Nul ne peut être interrogé, par aucune autorité, au sujet de ses convictions ou de ses pratiques religieuses, sauf pour le recueil de données statistiques qui ne permettront pas d’identifier les personnes auprès de qui elles ont été obtenues, ni subir de préjudice pour avoir refusé de répondre. 4. Les Églises et les communautés religieuses sont séparées de l’État et peuvent librement s’organiser, exercer leurs fonctions et célébrer leur culte. 5. La liberté de l’enseignement de toute religion réalisé dans le cadre de chaque confession est garantie, ainsi que l’utilisation de ses propres moyens d’information pour l’exercice de ses activités.
Constitution tunisienne : Article 6 : L’’Etat protège la religion, garantit la liberté de croyance, de conscience et de l’exercice des cultes. Il assure la neutralité des mosquées et des lieux de culte de l’exploitation partisane. L’Etat s’engage a diffuser les valeurs de modération et de tolérance et à protéger le sacré et empêcher qu’on y porte atteinte. Il s’engage également a prohiber et empêcher les accusations d’apostasie, ainsi que l’incitation à la haine et à la violence et à les juguler.
Constitution du Qatar : Article 1 : le Qatar est un EÌ tat indépendant et souverain. Sa religion est l’Islam et la charia est la première source de sa législation
2) Décisions de juridictions :
Tribunal constitutionnel portugais, 27 octobre 1987 : Malgré les principes ainsi inscrits dans le texte constitutionnel de 1976, il ne semble pas qu’on puisse affirmer que le régime institué par la Loi de séparation et la Constitution de 1911 ait été accueilli et qu’un système radical d’école laïque ait été institué, identique en tout à celui qui y était établi et qui interdisait tout enseignement religieux dans les écoles publiques... Parce que la dimension réelle de la liberté, de toutes les libertés et, par conséquent, aussi de la liberté religieuse, dépend fondamentalement des situations sociales qui permettent ou empêchent leur jouissance existentielle en tant que vraies options, la question doit se centrer sur la transformation de la notion de liberté autonomie en liberté situation, c’est-à -dire sur le sens positif de la liberté, en tant que pouvoir concret de réaliser certaines fins qui constituent son objet... Cependant, si la liberté religieuse doit être entendue, non pas comme une simple indépendance, mais comme une vraie situation sociale, la séparation et le caractère non confessionnel impliquent la neutralité religieuse de l’Etat et non la méconnaissance, de sa part, d’une situation et d’une exigence sociale... Il n’est pas permis à l’Etat de ne pas respecter dans ce domaine le principe d’égalité et, par conséquent, des distinctions injustifiées entre églises et croyants de différentes religions ne sont pas légitimes du point de vue de la constitution... L’Etat ne peut s’abstenir à l’égard des autres confessions, de leur accorder un traitement semblable, en prenant évidemment en considération les circonstances propres à chacune d’elles (dimension quantitative, espace géographique occupé, dissémination parmi la population scolaire etc.), sous peine de ne pas respecter le principe d’égalité et d’ainsi violer, par omission, le texte constitutionnel.
Cour d’arbitrage belge, 28 septembre 2005 : Les communautés religieuses doivent pouvoir se constituer et s’organiser librement, sans que le législateur ne soit, en principe, habilité à intervenir en la matière. Le législateur qui procède à la reconnaissance d’un culte doit se garder de toute appréciation sur la légitimité des croyances religieuses ou sur les modalités d’expression de celles-ci. Il n’a pas à intervenir directement dans la désignation de l’instance représentative de ce culte. Le culte musulman reconnu doit tenir compte des différents courants qui traversent la religion musulmane en Belgique. Compte tenu des spécificités du culte musulman, qui ne connaît ni de structures préétablies et universellement reconnues, ni de clergé, ainsi que du choix du processus électif par les représentants des différents courants de la communauté musulmane, le législateur a pu raisonnablement recourir à l’élection de l’organe qui représente ce culte auprès des autorité publiques.
Cour Suprême des Etats-Unis, Town of Greece v. Galloway, 2014, opinion de la Cour par Justice Kennedy
La Cour doit décider si la ville de Greece, dans l’Etat de New York, impose une religion établie (ce qui est interdit) en ouvrant avec une prière les réunions mensuelles de son conseil municipal. Il doit être conclu, en accord avec l’opinion de la Cour dans Marsh v. Chambers, 463 U. S. 783 (1983), qu’aucune violation de la constitution n’a été démontrée. Dans Marsh v. Chambers, la Cour a considéré qu’il n’y avait pas de violation du Ier amendement dans la pratique de la législature du Nebraska d’ouvrir ses sessions avec un chapelain payé sur des fonds d’EÌ tat. La décision conclut qu’une prière législative, quoique religieuse dans sa nature, a été longtemps jugée compatible avec la "clause d’établissement ".
Pratiquée par le Congrès depuis la rédaction de la constitution, la prière législative donne de la gravité aux affaires publiques, rappelle à ceux qui font les lois de transcender leurs petites différences dans la poursuite d’un but plus élevé et exprime une aspiration commune à une société juste et pacifique. Soutenir que ces évocations doivent être neutres (non sectarian) forcerait les législateurs qui financent ces prières et les cours qui sont appelées à décider à agir en superviseurs et censeurs du discours religieux, une règle qui impliquerait le gouvernement dans les matières religieuses à un beaucoup plus haut degré que dans le cas présent où la pratique courante est de ne pas publier ou approuver d’avance les prières, ni de critiquer leur contenu a posteriori. En rejetant l’idée que la prière législative est neutre, la Cour n’en déduit pas l’absence de contraintes sur son contenu. La contrainte pertinente résulte du moment où intervient la prière au début de la session, avec le sens de donner de la gravité à l’occasion et de rappeler les valeurs faisant partie depuis longtemps de l’héritage de la Nation.
La prière, d’un ton solennel et respectueux, qui invite les législateurs à réfléchir sur des idéaux partagés et sur des buts communs avant d’aborder le travail conflictuel du gouvernement, sert cette fonction légitime… Dès les premiers jours de la Nation, ces invocations ont été adressées à des assemblées réunissant différentes croyances. Ces prières cérémonielles militent pour l’idée que des personnes de différentes confessions peuvent être unies dans une communauté de tolérance et de dévotion. Même ceux qui sont en désaccord avec la doctrine religieuse peuvent trouver une base commune dans le souhait de montrer du respect à la Divinité dans tous les aspects de leur vie et de leur existence. Notre tradition considère que des citoyens adultes, fermes dans leur propre croyance, peuvent tolérer et peut-être apprécier une prière délivrée par une personne d’une autre confession. Les prières dites dans la ville de Greece ne sont pas en dehors de cette tradition que la Cour a reconnue. Une partie de ces prières invoque le nom de Jésus, de Dieu le Père et du Saint-Esprit, mais elles invoquent aussi des thèmes universels, comme en célébrant le retour des saisons ou en appelant à un esprit de collaboration entre les chefs de la ville.
Cour constitutionnelle italienne, 12 avril 1989 :
Cette cour a statué et constamment maintenu que les principes suprêmes de l’ordre constitutionnel ont "une valeur supérieure aux autres normes de rang constitutionnel", soit que la Cour ait retenu que même les dispositions du Concordat, bénéficiant d’une couverture constitutionnelle particulière dans l’art. 7 de la constitution, ne sont pas soustraites à la vérification de leur conformité aux principes suprêmes de l’ordre constitutionnel, soit quand la Cour a affirmé que la loi d’exécution du traité CEE peut être soumise au contrôle de cette Cour en référence aux principes suprêmes de l’ordre constitutionnel et aux droits inaliénables de la personne humaine.
La Cour ne peut écarter du contrôle de constitutionnalité la norme dénoncée, en ayant des doutes sur son contraste avec un des principes suprêmes de l’ordre constitutionnel. Dans cette matière sont mises en évidence les valeurs de la liberté religieuse dans leur double signification en tant qu’interdiction 1) que les citoyens soient discriminés pour des motifs de religion ; 2) que le pluralisme religieux aboutisse à limiter la liberté négative de ne professer aucune religion. Ces valeurs concourent avec d’autres (art. 7, 8 et 20 de la constitution) à structurer le principe suprême de la laïcité de l’État qui est un des profils de la forme de l’État délimitée par la Charte constitutionnelle de la République italienne.
Le principe de laïcité n’implique pas l’indifférence de l’État à l’égard des religions, mais la garantie de l’État pour la sauvegarde de la liberté religieuse dans un régime de pluralisme confessionnel et culturel L’État est obligé, en fonction de l’accord avec le Saint-Siège, d’assurer l’enseignement de la religion catholique. Pour les élèves et leurs familles, cet enseignement est facultatif ; seul l’exercice du droit de le choisir crée l’obligation de le suivre. Pour ceux qui décident de ne pas le suivre, la situation est celle de l’absence d’obligation.
CEDH Sinan Isik c. Turquie (2010) :
Par un arrêt du 21 juin 1995 publié au Journal officiel le 14 octobre 1995, la Cour constitutionnelle déclara l’article 43 de la loi no 1587 sur l’état civil conforme aux articles 2 (laïcité) et 24 (liberté de religion) de la Constitution. Les juges constitutionnels considérèrent notamment : " L’État doit connaitre les caractéristiques de ses citoyens. Ce besoin d’information est fondé sur les nécessités de l’ordre public, de l’intérêt général, et sur les impératifs économiques, politiques et sociaux (...) L’État laïc doit être neutre à l’égard des religions. Dans ce contexte, le fait de mentionner la religion sur les cartes d’identité ne peut entraîner une inégalité entre les citoyens (...) Toutes les religions ont la même place dans le cadre d’un État laïc. Personne ne peut s’immiscer dans les croyances d’autrui ou l’absence de croyances. Par ailleurs, la règle contestée s’applique à toutes les croyances et donc elle ne peut entraîner une discrimination (...)".
A cet égard, la thèse du Gouvernement selon laquelle la mention litigieuse ne pouvait être interprétée comme une mesure contraignant tout citoyen turc à divulguer ses croyances et convictions religieuses ne saurait être suivie par la Cour. Il s’agit là du droit de ne pas divulguer sa religion ou sa conviction, qui relève du for intérieur de chacun. Ce droit est inhérent à la notion de la liberté de religion et de conscience. A interpréter l’article 9 de la Convention comme autorisant n’importe quelle sorte de coercition visant à extérioriser sa religion ou conviction, on toucherait à la substance même de la liberté qu’il entend garantir (voir, mutatis mutandis, Young, James et Webster c. Royaume-Uni, 13 août 1981, § 52, série A no 44, et aussi l’opinion dissidente d’un des juges de la Cour constitutionnelle, paragraphe 16 ci-dessus)
43. Par ailleurs, compte tenu de l’usage fréquent de la carte d’identité (inscription aux écoles, contrôle d’identité, service militaire, etc.), la mention des convictions religieuses dans un tel document officiel comme dans d’autres risque de conduire à des situations discriminatoires dans les relations avec l’administration (Sofianopoulos et autres, précité). 44. De surcroît, la Cour n’aperçoit pas pourquoi il serait nécessaire de mentionner la religion dans les registres d’état civil ou sur les cartes d’identité pour des raisons démographiques, ce qui impliquerait nécessairement une législation imposant la déclaration non volontaire des croyances religieuses.
CEDH, Schath c. Allemagne (2010) :
Le statut des Églises et sociétés religieuses est régi notamment par les articles 137 à 141 (articles dits ecclésiastiques “ Kirchenartikel") de la Constitution de Weimar du 11 août 1919, qui ont été incorporés à la Loi fondamentale par le biais de l’article 140 de cette Loi.
Un grand nombre d’Églises et de sociétés religieuses, parmi lesquelles figurent l’Église catholique (environ 24,9 millions de membres) et l’Église protestante d’Allemagne (environ 24,5 millions de membres), communément appelées les deux grandes Églises (Grosskirchen), disposent d’un statut de personne morale de droit public mais ne font pas pour autant partie de la puissance publique. Les autres sociétés religieuses ont la capacité juridique en vertu du droit civil. Le statut de personne morale de droit public permet aux Églises concernées notamment de lever l’impôt cultuel et d’employer des fonctionnaires… 31. L’Église catholique et l’Église protestante emploient plus d’un million de personnes, notamment dans leurs organisations caritatives et de bienfaisance, ce qui fait d’elles l’employeur le plus important d’Allemagne après l’État. Le 4 juin 1985, la Cour constitutionnelle fédérale a rendu un arrêt de principe portant sur la validité de licenciements prononcés par des Églises à l’encontre de leurs employés à la suite d’une violation par ceux-ci de leurs obligations de loyauté (nos 2 BvR 1703/83, 1718/83 et 856/84, arrêt publié dans le Recueil des arrêts et décisions de la Cour constitutionnelle fédérale, tome 70, pp. 138-173).
71. La Cour admet que le requérant, en signant son contrat de travail, a accepté un devoir de loyauté envers l’Église catholique qui limitait jusqu’à un certain degré son droit au respect de sa vie privée. De telles limitations contractuelles sont autorisées par la Convention si elles sont librement acceptées (Rommelfanger, décision précitée). La Cour considère cependant que l’on ne saurait interpréter la signature apposée par le requérant sur ce contrat comme un engagement personnel sans équivoque de vivre dans l’abstinence en cas de séparation ou de divorce. Une telle interprétation affecterait le cÅ“ur même du droit au respect de la vie privée de l’intéressé, d’autant que, comme les juridictions du travail l’ont constaté, le requérant n’était pas soumis à des obligations de loyauté accrues (voir, a contrario, Obst précité, § 50). A ce propos, le requérant a exposé qu’il n’avait pu éviter la séparation d’avec son épouse pour des raisons strictement personnelles et qu’il ne lui était pas possible de vivre dans l’abstinence jusqu’à la fin de ses jours, comme l’exigerait le code canonique de l’Eglise catholique. 75. En conséquence, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, la Cour conclut que l’État allemand n’a pas procuré au requérant la protection nécessaire et que, partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
Cour suprême de l’Inde, John Vallavatom v. Union of India, 21 juillet 2003, opinion du juge Lakshmanan :
Les Chrétiens sont discriminés par un traitement défavorable de l’Indian Succession Act de 1925 en vertu duquel ils sont pratiquement empêchés de léguer des propriétés pour des buts religieux ou charitables ; Dans mon opinion, il n’y a pas de justification à maintenir la disposition attaquée dans la loi, dans la mesure où elle est arbitraire et viole l’article 14 de la constitution (sur l’égalité). L’article 25 de la constitution traite de la liberté de conscience et du droit de professer, pratiquer et propager une religion. Une contribution avec des buts religieux et charitables est un acte philanthropique destiné à servir l’humanité en même temps qu’une obligation religieuse. C’est pourquoi léguer des propriétés pour des buts charitables et religieux ne peut être contrôlé et restreint par le Législateur sans porte atteinte aux droits constitutionnels des articles 25 et 26 de la constitution, en conséquence la disposition attaquée (du Succession Act de 1925) est arbitraire et inconstitutionnelle.
QUESTIONS (chacune notée sur 5 points)Â :
1) Analysez les typologies (et les limites de ces classifications), résultant des constitutions, des interprétations des cours et de la doctrine, entre les différents ordres juridiques dans le domaine de la liberté religieuse.
2) Expliquez et discutez (selon les systèmes juridiques, en tenant compte de l’évolution de la jurisprudence de la Cour Suprême des États-Unis) la distinction entre liberté religieuse négative et positive.
3) Que peut-on dire, du point de vue du droit comparé, sur le principe d’égalité en matière de liberté religieuse, en quoi est-il compris de manière différente selon les ordres juridiques, en fonction aussi de caractéristiques sociologiques des populations concernées ?
4) Expliquez les liens entre la liberté religieuse et les régimes de statuts personnels (en distinguant les situations de pluralisme ou d’unité des statuts personnels et en donnant plusieurs exemples).
textes sur les discriminations, les statuts personnels
Supreme Court 2003 : Grutter v. Bollinger :
In the landmark Bakke case, this Court reviewed a medical school’s racial set-aside program that reserved 16 out of 100 seats for members of certain minority groups. The decision produced six separate opinions, none of which commanded a majority. Four Justices would have upheld the program on the ground that the government can use race to remedy disadvantages cast on minorities by past racial prejudice. 438 U.S., at 325. Four other Justices would have struck the program down on statutory grounds. Id., at 408. Justice Powell, announcing the Court’s judgment, provided a fifth vote not only for invalidating the program, but also for reversing the state court’s injunction against any use of race whatsoever. In a part of his opinion that was joined by no other Justice, Justice Powell expressed his view that attaining a diverse student body was the only interest asserted by the university that survived scrutiny. Id., at 311.
Grounding his analysis in the academic freedom that “long has been viewed as a special concern of the First Amendment, id., at 312, 314, Justice Powell emphasized that the ˜nation’s future depends upon leaders trained through wide exposure’ to the ideas and mores of students as diverse as this Nation. Id., at 313. However, he also emphasized that “[i]t is not an interest in simple ethnic diversity, in which a specified percentage of the student body is in effect guaranteed to be members of selected ethnic groups,†that can justify using race. Id., at 315. Rather, [t]he diversity that furthers a compelling state interest encompasses a far broader array of qualifications and characteristics of which racial or ethnic origin is but a single though important element.Ibid.
Since Bakke, Justice Powell’s opinion has been the touchstone for constitutional analysis of race-conscious admissions policies. Public and private universities across the Nation have modeled their own admissions programs on Justice Powell’s views. Courts, however, have struggled to discern whether Justice Powell’s diversity rationale is binding precedent. The Court finds it unnecessary to decide this issue because the Court endorses Justice Powell’s view that student body diversity is a compelling state interest in the context of university admissions. Pp. 9”13. (b) All government racial classifications must be analyzed by a reviewing court under strict scrutiny. Adarand Constructors, Inc. v. Pea, 515 U.S. 200, 227. But not all such uses are invalidated by strict scrutiny. Race-based action necessary to further a compelling governmental interest does not violate the Equal Protection Clause so long as it is narrowly tailored to further that interest. E.g., Shaw v. Hunt, 517 U.S. 899, 908. Context matters when reviewing such action. See Gomillion v. Lightfoot, 364 U.S. 339, 343”344.
Not every decision influenced by race is equally objectionable, and strict scrutiny is designed to provide a framework for carefully examining the importance and the sincerity of the government’s reasons for using race in a particular context.”
15. (c) The Court endorses Justice Powell’s view that student body diversity is a compelling state interest that can justify using race in university admissions. The Court defers to the Law School’s educational judgment that diversity is essential to its educational mission. The Court’s scrutiny of that interest is no less strict for taking into account complex educational judgments in an area that lies primarily within the university’s expertise. See, e.g., Bakke, 438 U.S., at 319, n. 53 (opinion of Powell, J.). Attaining a diverse student body is at the heart of the Law School’s proper institutional mission, and its good faith is presumed absent showing to the contrary.
Enrolling a critical mass of minority students simply to assure some specified percentage of a particular group merely because of its race or ethnic origin would be patently unconstitutional. E.g., id., at 307. But the Law School defines its critical mass concept by reference to the substantial, important, and laudable educational benefits that diversity is designed to produce, including cross-racial understanding and the breaking down of racial stereotypes. The Law School’s claim is further bolstered by numerous expert studies and reports showing that such diversity promotes learning outcomes and better prepares students for an increasingly diverse workforce, for society, and for the legal profession. Major American businesses have made clear that the skills needed in today’s increasingly global marketplace can only be developed through exposure to widely diverse people, cultures, ideas, and viewpoints. High-ranking retired officers and civilian military leaders assert that a highly qualified, racially diverse officer corps is essential to national security.
Moreover, because universities, and in particular, law schools, represent the training ground for a large number of the Nation’s leaders, Sweatt v. Painter, 339 U.S. 629, 634, the path to leadership must be visibly open to talented and qualified individuals of every race and ethnicity. Thus, the Law School has a compelling interest in attaining a diverse student body. 15—21. (d) The Law School’s admissions program bears the hallmarks of a narrowly tailored plan. To be narrowly tailored, a race-conscious admissions program cannot “insulat[e] each category of applicants with certain desired qualifications from competition with all other applicants.†Bakke, supra, at 315 (opinion of Powell, J.). Instead, it may consider race or ethnicity only as a “ ‘plus’ in a particular applicant’s file†; i.e., it must be “flexible enough to consider all pertinent elements of diversity in light of the particular qualifications of each applicant, and to place them on the same footing for consideration, although not necessarily according them the same weight,id., at 317.
It follows that universities cannot establish quotas for members of certain racial or ethnic groups or put them on separate admissions tracks. See id., at 315” 316. The Law School’s admissions program, like the Harvard plan approved by Justice Powell, satisfies these requirements. Moreover, the program is flexible enough to ensure that each applicant is evaluated as an individual and not in a way that makes race or ethnicity the defining feature of the application. See Bakke, supra, at 317 (opinion of Powell, J.). The Law School engages in a highly individualized, holistic review of each applicant’s file, giving serious consideration to all the ways an applicant might contribute to a diverse educational environment. There is no policy, either de jure or de facto, of automatic acceptance or rejection based on any single “soft†variable. Gratz v. Bollinger, ante, p. ___, distinguished. Also, the program adequately ensures that all factors that may contribute to diversity are meaningfully considered alongside race. Moreover, the Law School frequently accepts nonminority applicants with grades and test scores lower than underrepresented minority applicants (and other nonminority applicants) who are rejected.
The Court rejects the argument that the Law School should have used other race-neutral means to obtain the educational benefits of student body diversity, e.g., a lottery system or decreasing the emphasis on GPA and LSAT scores. Narrow tailoring does not require exhaustion of every conceivable race-neutral alternative or mandate that a university choose between maintaining a reputation for excellence or fulfilling a commitment to provide educational opportunities to members of all racial groups. See, e.g., Wygant v. Jackson Bd. of Ed., 476 U.S. 267, 280, n. 6. The Court is satisfied that the Law School adequately considered the available alternatives. The Court is also satisfied that, in the context of individualized consideration of the possible diversity contributions of each applicant, the Law School’s race-conscious admissions program does not unduly harm nonminority applicants. Finally, race-conscious admissions policies must be limited in time.
The Court takes the Law School at its word that it would like nothing better than to find a race-neutral admissions formula and will terminate its use of racial preferences as soon as practicable. The Court expects that 25 years from now, the use of racial preferences will no longer be necessary to further the interest approved today.
Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, Hoffmann v. South African Airways, 2000 :
[28.] The appellant is living with HIV. People who are living with HIV constitute a minority. Society has responded to their plight with intense prejudice. They have been subjected to systemic disadvantage and discrimination. They have been stigmatised and marginalised. As the present case demonstrates, they have been denied employment because of their HIV-positive status without regard to their ability to perform the duties of the position from which they have been excluded. Society’s response to them has forced many of them not to reveal their HIV status for fear of prejudice. This in turn has deprived them of the help they would otherwise have received. People who are living with HIV/AIDS are one of the most vulnerable groups in our society. Notwithstanding the availability of compelling medical evidence as to how this disease is transmitted, the prejudices and stereotypes against HIV-positive people still persist. In view of the prevailing prejudice against HIV-positive people, any discrimination against them can, to my mind, be interpreted as a fresh instance of stigmatisation and I consider this to be an assault on their dignity.
The impact of discrimination on HIV-positive people is devastating. It is even more so when it occurs in the context of employment. It denies them the right to earn a living. For this reason they enjoy special protection in our law. [29.] There can be no doubt that SAA discriminated against the appellant because of his HIV status. Neither the purpose of the discrimination nor the objective medical evidence justifies such discrimination. [30.] SAA refused to employ the appellant, saying that he was unfit for worldwide duty because of his HIV status. But, on its own medical evidence, not all persons living with HIV cannot be vaccinated against yellow fever or are prone to contracting infectious diseases. It is only those persons whose infection has reached the stage of immunosuppression and whose CD4+ count has dropped below 350 cells per microlitre of blood. Therefore, the considerations that dictated its practice as advanced in the High Court did not apply to all persons who are living with HIV. Its practice, therefore, judged and treated all persons who are living with HIV on the same basis. It judged all of them to be unfit for employment as cabin attendants on the basis of assumptions that are true only for an identifiable group of people who are living with HIV.
On SAA’s own evidence, the appellant could have been at the asymptomatic stage of infection. Yet, because the appellant happened to have been HIV positive, he was automatically excluded from employment as a cabin attendant. [37.] Prejudice can never justify unfair discrimination. This country has recently emerged from institutionalised prejudice. Our law reports are replete with cases in which prejudice was taken into consideration in denying the rights that we now take for granted. Our constitutional democracy has ushered in a new era it is an era characterised by respect for human dignity for all human beings. In this era, prejudice and stereotyping have no place. Indeed, if as a nation we are to achieve the goal of equality that we have fashioned in our Constitution, we must never tolerate prejudice, either directly or indirectly. SAA, as a state organ that has a constitutional duty to uphold the Constitution, may not avoid its constitutional duty by bowing to prejudice and stereotyping. Finding [41.] I conclude, therefore, that the refusal by SAA to employ the appellant as a cabin attendant because he was HIV positive violated his right to equality guaranteed by section 9 of the Constitution.
Supreme Court of India, 10 April 2008, Ashoka Kumar Thakur v. Union of India :
8. It must also be borne in mind that many other democracies face similar problems and grapple with issues of discrimination, in their own societal context. Though their social structure may be markedly different from ours, the problem of inequality in the larger context and the tools used to combat it may be common. As stated by Justice Ruth Bader Ginsburg at the 51st Cardozo Memorial Lecture, in 1999 : "In my view, comparative analysis emphatically is relevant to the task of interpreting constitutions and enforcing human rights. We are losers if we neglect what others can tell us about endeavours to eradicate bias against women, minorities and other disadvantaged groups. For irrational prejudice and rank discrimination are infectious in our world. In this, reality, as well as the determination to counter it, we all share." 9. We are conscious of the fact that any reservation or preference shall not lead to reverse discrimination. The Constitution (Ninety- Third) Amendment Act, 2005 and the enactment of Act 5 of 2007 giving reservation to Other Backward Classes (OBCs), Scheduled Castes (SCs) and Scheduled Tribes (STs) created mixed reactions in the society. Though the reservation in favour of SC and ST is not opposed by the petitioners, the reservation of 27% in favour of Other Backward Classes/Socially and educationally backward classes is strongly opposed by various petitioners in these cases. Eminent Counsel appeared both for the petitioners and respondents. The learned Solicitor General and Additional Solicitor General appeared and expressed their views. We have tried to address, with utmost care and attention, the various arguments advanced by the learned counsel and we are greatly beholden to all of them for the manner in which they have analysed and presented the case before us which is of great importance, affecting large sections of the community.
177. The case of Regents of the University of California Vs. Bakke provided a starting point and from this case onwards, affirmative action programmes can be justified only on two distinct grounds, and only these grounds have been recognized as compelling enough so as to satisfy the "strict scrutiny" test, as developed by the United States Supreme Court. The two grounds are as follows : 1. Remedial Justification : All efforts aimed at remedying past injustices against certain identified groups of people, who were unlawfully discriminated against in the past, serve as adequate justifications and all affirmative action programmes that are implemented with this aim serve the compelling institutional interest in removing all vestiges of discrimination that occurred in the past. In the case of City of Richmond Vs. J A Croson Co. , the United States Supreme Court held that if a university is able to show "some showing of prior discrimination" in its existing affirmative action program furthering racial exclusion then the university may take "affirmative steps to dismantle such a system". However, it is to be noted that the US Supreme Court also attached a warning with the above observation. While scrutinizing such programmes, it was held that the Court would make "searching judicial inquiry into the justification for such race-based measures... [and to] identify that discrimination... with some specificity before they may use race- conscious relief". (Croson’s Case ) 2. Diversity- All affirmative action programmes aimed at bringing about racial diversity among the scholarship of the institution(s) may be said to in furtherance of compelling institutional interest. The starting point for this ground is Justice Powell’s detailed opinion regarding the issue of diversity in the case of Regents of the University of California Vs. Bakke (supra). In this case, according to Justice Powell, "[t]he attainment of a diverse student body is clearly a constitutionally permissible goal for an institution of higher education". He quoted from two of the Supreme Court’s decisions regarding academic freedom [Sweezy Vs. New Hampshire and Keyishian Vs. Board of Regents ] and observed : "[I]t is the business of a university to provide that atmosphere which is most conducive to speculation, experiment and creation.........The atmosphere of speculation, experiment and creation _ so essential to the quality of higher education _ is widely believed to be promoted by a diverse student body. ... [I]t is not too much to say that the nation’s future depends upon leaders trained through wide exposure to the ideas and mores of students as diverse as this Nation of many peoples."
178. The other part of the "strict scrutiny" test is the "narrow tailoring" test. The University, whose affirmative action programme is in question before the United States Supreme Court, is required to prove that its affirmative action programme has been designed in the narrowest possible manner, in order to benefit only those specific people who are to be benefited, thus serving the "compelling purposes" of the affirmative action programme. The program cannot be made in a broad manner to encompass a large group of people, and it has to serve the minimum possible requirement, in order to achieve its goal. Otherwise, it may be possible that the rights of other people may be infringed upon, which would make the affirmative action programme unconstitutional.
179. Thus, the first limb of the strict scrutiny test that elucidates the "compelling institutional interest" is focused on the objectives that affirmative action programmes are designed to achieve. The second limb, that of "narrow tailoring", focuses on the details of specific affirmative action programmes and on the specific people it aims to benefit. 180. The United States Supreme Court has held that race may be one of the many factors that can be taken into account while structuring an affirmative action programme. At this stage, an analogy may be drawn with the Indian situation wherein the Supreme Court of India, in various cases, has held that caste may be one of the factors that can be taken into account, while providing for reservations for the socially and educationally backward classes. However, caste cannot be the "only" factor, just as race alone cannot be the only factor in the United States, while structuring reservation or affirmative action programmes.
181. Furthermore, the courts, both in India as well as in the United States of America, have looked with extreme caution and care at any legislation that aims to discriminate on the basis of race in the US and caste in India. As the US Supreme Court elucidated in the case of Grutter Vs. Bollinger (supra), "Because the Fourteenth Amendment "protect[s] persons, not groups," all governmental action based on race ought to be subjected to a very detailed and careful judicial inquiry and scrutiny so as to ensure that the personal right to equal protection of the laws has not been infringed. (See : Adarand Constructors Inc. Vs. Peqa) . 182. It therefore follows that the government may treat people differently because of their race but only for those reasons that serve what is known as "compelling government interest".
183. Furthermore, for any affirmative action programme to survive the strict standard of judicial scrutiny, the Courts want "compelling evidence", that proves without any doubt that the affirmative action program is narrowly tailored and serves only the most compelling of interests. Thus, the bar for the State or institution that practices affirmative action programmes based of suspect classifications has been effectively raised. Therefore, in cases where a compelling interest is found, race-based methods may be used only after all other methods have been considered and found deficient, and that too only to that limited extent which is required to remedy a discrimination that has been identified, and only when it has been shown that the identified beneficiaries have suffered previously in the past, and lastly, only if all undue burdens that may impinge upon the rights of other non- beneficiaries are avoided.
184. The aforesaid principles applied by the Supreme Court of the United States of America cannot be applied directly to India as the gamut of affirmative action in India is fully supported by constitutional provisions and we have not applied the principles of "suspect legislation" and we have been following the doctrine that every legislation passed by the Parliament is presumed to be constitutionally valid unless otherwise proved. We have repeatedly held that the American decisions are not strictly applicable to us and the very same principles of strict scrutiny and suspect legislation were sought to be applied and this Court rejected the same in Saurabh Chaudhari Vs. Union of India . Speaking for the bench, V.N. Khare, CJI, said : "The strict scrutiny test or the intermediate scrutiny test applicable in the United States of America as argued by Shri Salve cannot be applied in this case. Such a test is not applied in Indian Courts. In any event, such a test may be applied in a case where a legislation ex facie is found to be unreasonable. Such a test may also be applied in a case where by reason of a statute the life and liberty of a citizen is put in jeopardy. This Court since its inception apart from a few cases where the legislation was found to be ex facie wholly unreasonable proceeded on the doctrine that constitutionality of a statute is to be presumed and the burden to prove contra is on him who asserts the same."
185. Learned Counsel Shri Sushil Kumar Jain contended that the classification of OBCs was not properly done and it is not clear as to whose benefit the legislation itself is made therefore, it is a suspect legislation. This contention cannot be accepted. We are of the view that the challenge of Act 5 of 2007 on the ground that it does not stand the "strict scrutiny" test and there was no "compellable State necessity" to enact this legislation cannot be accepted.
US Supreme Court Abigail Noel Fisher v. University of Texas at Austin, 23 June 2016
Although the University’s new admissions policy was a direct result of Grutter, it is not identical to the policy this Court approved in that case. Instead, consistent with the State’s legislative directive, the University continues to fill a significant majority of its class through the Top Ten Percent Plan (or Plan). Today, up to 75 percent of the places in the freshman class are filled through the Plan. As a practical matter, this 75 percent cap, which has now been fixed by statute, means that, while the Plan contin ues to be referenced as a Top Ten Percent Plan, a stuÂdent actually needs to finish in the top seven or eight percent of his or her class in order to be admitted under this category. The University did adopt an approach similar to the one in Grutter for the remaining 25 percent or so of the incomÂing class... Therefore, although admissions officers can consider race as a positive feature of a minority student’s applica tion, there is no dispute that race is but a factor of a factor of a factor in the holistic-review calculus. 645 F. Supp. 2d 587, 608 (WD Tex. 2009).
Furthermore, consideration of race is contextual and does not operate as a mechanical plus factor for underrepresented minorities... [r]ace may not be considered [by a university] unless the admissions process can withstand strict scrutiny, Fisher I, 570 U. S., at ___ (slip op., at 7). Strict scrutiny requires the university to demonstrate with clarity that its purpose or interest is both constitutionally permissible and substantial, and that its use of the classification is necessary . . . to the accomplishment of its purpose.’Ibid...
Second, Fisher I confirmed that the decision to pursue "the educational benefits that flow from student body diversity’ ... is, in substantial measure, an academic judgment to which some, but not complete, judicial deferÂence is proper.†Id., at ___ (slip op, at 9). A university cannot impose a fixed quota or otherwise “define diversity as some specified percentage of a particular group merely because of its race or ethnic origin.’ Ibid.
Once, however, a university gives a reasoned, principled explanation for its decision, deference must be given “to the University’s conclusion, based on its experience and expertise, that a diverse student body would serve its educational goals. Ibid. (internal quotation marks and citation omitted). Third, Fisher I clarified that no deference is owed when determining whether the use of race is narrowly tailored to achieve the university’s permissible goals. Id., at ___ (slip op., at 10). A university, Fisher I explained, bears the burden of proving a nonracial approach would not proÂmote its interest in the educational benefits of diversity “about as well and at tolerable administrative expense.
... Fisher I set forth these controlling principles, while taking no position on the constitutionality of the admisÂsions program at issue in this case. The Court held only that the District Court and the Court of Appeals had “confined the strict scrutiny inquiry in too narrow a way by deferring to the University’s good faith in its use of racial classifications.†Id., at ___ (slip op., at 12) The Court remanded the case, with instructions to evaluate the record under the correct standard and to determine whether the University had made “a showing that its plan is narrowly tailored to achieve†the educational benefits that flow from diversity. Id., at ___ (slip op., at 13). On remand, the Court of Appeals determined that the proÂgram conformed with the strict scrutiny mandated by Fisher I. See 758 F.3d, at 659–660. Judge Garza dissented... Petitioner’s acceptance of the Top Ten Percent Plan complicates this Court’s review. In particular, it has led to a record that is almost devoid of information about the students who secured admission to the University through the Plan.
The Court thus cannot know how students admitted solely based on their class rank differ in their contribution to diversity from students admitted through holistic review... The University has provided in addition a reasoned, principled explanation for its decision to pursue these goals. Fisher I, supra, at ___ (slip op., at 9). The University’s 39-page proposal was written following a year-long study, which concluded that [t]he use of race-neutral policies and programs ha[d] not been successful†in provid[ing] an educational setting that fosters cross-racial understanding, provid[ing] enlightened discussion and learning, [or] prepar[ing] students to function in an in creasingly diverse workforce and society ...
The record itself contains significant evidence, both statistical and anecdotal, in support of the University’s position. To start, the demographic data the University has submitted show consistent stagnation in terms of the percentage of minority students enrolling at the University from 1996 to 2002. In 1996, for example, 266 African- American freshmen enrolled, a total that constituted 4.1 percent of the incoming class. In 2003, the year Grutter was decided, 267 African-American students enrolled— again, 4.1 percent of the incoming class. The numbers for Hispanic and Asian-American students tell a similar story. See Supp. App. 43a... In addition to these fundamental problems, an admisÂsions policy that relies exclusively on class rank creates perverse incentives for applicants. Percentage plans “encourage parents to keep their children in low- performing segregated schools, and discourage students from taking challenging classes that might lower their grade point averages. Gratz, 539 U. S., at 304, n. 10 (GINSBURG, J., dissenting)...
A university is in large part defined by those intangible qualities which are incapable of objective measurement but which make for greatness. Sweatt v. Painter, 339 U. S. 629, 634 (1950). Considerable deference is owed to a university in defining those intangible characteristics, like student body diversity, that are central to its identity and educational mission. But still, it remains an enduring challenge to our Nation’s education system to reconcile the pursuit of diversity with the constitutional promise of equal treatment and dignity... In striking this sensitive balance, public universities, like the States themselves, can serve as “laboratories for experimentation.†United States v. Lopez, 514 U. S. 549, 581 (1995) (KENNEDY, J., concurring) ; see also New State Ice Co. v. Liebmann, 285 U. S. 262, 311 (1932) (Brandeis, J., dissenting).
The University of Texas at Austin has a special opportunity to learn and to teach. The University now has at its disposal valuable data about the manner in which different approaches to admissions may foster diversity or instead dilute it. The University must continue to use this data to scrutinize the fairness of its admis sions program ; to assess whether changing demographics have undermined the need for a race-conscious policy ; and to identify the effects, both positive and negative, of the affirmative-action measures it deems necessary. The Court’s affirmance of the University’s admissions policy today does not necessarily mean the University may rely on that same policy without refinement. It is the University’s ongoing obligation to engage in constant deliberation and continued reflection regarding its admisÂsions policies. The judgment of the Court of Appeals is affirmed.
Supreme Court 29 juin 2023 Students for fair admission V. President and Fellows of Harvard College
Founded in 1636, Harvard College has one of the most
selective application processes in the country. Over 60,000
people applied to the school last year ; fewer than 2,000 were
admitted. Gaining admission to Harvard is thus no easy
feat. It can depend on having excellent grades, glowing rec-
ommendation letters, or overcoming significant adversity.
See 980 F. 3d 157, 166–169 (CA1 2020). It can also depend
on your race...
In the decades that followed (Brown v. Board of Edocation ofg Topeka), this Court continued to vindicate the Constitution’s pledge of racial equality. Laws di-
viding parks and golf courses ; neighborhoods and busi-
nesses ; buses and trains ; schools and juries were undone,
all by a transformative promise “stemming from our Amer-
ican ideal of fairness” : “ ‘the Constitution . . . forbids . . . dis-
crimination by the General Government, or by the States...
Any exception to the Constitution’s demand for equal pro-
tection must survive a daunting two-step examination
known in our cases as “strict scrutiny.” Adarand Construc-
tors, Inc. v. Peña, 515 U. S. 200, 227 (1995). Under that
standard we ask, first, whether the racial classification is
used to “further compelling governmental interests.” Grut-
ter v. Bollinger, 539 U. S. 306, 326 (2003)...
To manage these concerns, Grutter imposed one final
limit on race-based admissions programs. At some point,
the Court held, they must end. Id., at 342. This require-
ment was critical, and Grutter emphasized it repeatedly.
“[A]ll race-conscious admissions programs [must] have a
termination point” ; they “must have reasonable durational
limits” ; they “must be limited in time” ; they must have
“sunset provisions” ; they “must have a logical end point” ;
their “deviation from the norm of equal treatment” must be
“a temporary matter.” Ibid. (internal quotation marks
omitted). The importance of an end point was not just a
matter of repetition. It was the reason the Court was will-
ing to dispense temporarily with the Constitution’s unam-
biguous guarantee of equal protection. The Court recog-
nized as much : “[e]nshrining a permanent justification for
racial preferences,” the Court explained, “would offend this
fundamental equal protection principle.” Ibid. ; see also id.,
at 342–343 (quoting N. Nathanson & C. Bartnik, The Con-
stitutionality of Preferential Treatment for Minority Appli-
cants to Professional Schools, 58 Chi. Bar Rec. 282, 293
(May–June 1977), for the proposition that “[i]t would be a
sad day indeed, were America to become a quota-ridden so-
ciety, with each identifiable minority assigned proportional representation in every desirable walf of life").
Twenty years later, no end is in sight. “Harvard’s view
about when [race-based admissions will end] doesn’t have a
date on it.” Tr. of Oral Arg. in No. 20–1199, p. 85 ; Brief for
Respondent in No. 20–1199, p. 52. Neither does UNC’s.
567 F. Supp. 3d, at 612. Yet both insist that the use of race
in their admissions programs must continue.
But we have permitted race-based admissions only
within the confines of narrow restrictions. University pro grams must comply with strict scrutiny, they may never use
race as a stereotype or negative, and—at some point—they
must end. Respondents’ admissions systems—however
well intentioned and implemented in good faith—fail each
of these criteria. They must therefore be invalidated under
the Equal Protection Clause of the Fourteenth Amendment...
First, the interests they view as compelling cannot be sub-
jected to meaningful judicial review. Harvard identifies the
following educational benefits that it is pursuing : (1) “training future leaders in the public and private sectors” ; (2) pre-
paring graduates to “adapt to an increasingly pluralistic so-
ciety” ; (3) “better educating its students through diversity” ;
and (4) “producing new knowledge stemming from diverse
outlooks.” 980 F. 3d, at 173–174. UNC points to similar
benefits, namely, “(1) promoting the robust exchange of
ideas ; (2) broadening and refining understanding ; (3) fostering innovation and problem-solving ; (4) preparing engaged and productive citizens and leaders ; [and] (5) enhancing appreciation, respect, and empathy, cross-racial
understanding, and breaking down stereotypes.” 567
F. Supp. 3d, at 656.
Although these are commendable goals, they are not suf-
ficiently coherent for purposes of strict scrutiny. At the outset, it is unclear how courts are supposed to measure any of these goals. How is a court to know whether leaders have
been adequately “train[ed]” ; whether the exchange of ideas
is “robust” ; or whether “new knowledge” is being developed ?
Ibid. ; 980 F. 3d, at 173–174. Even if these goals could some-
how be measured, moreover, how is a court to know when
they have been reached, and when the perilous remedy of
racial preferences may cease ? There is no particular point
at which there exists sufficient “innovation and problem-
solving,” or students who are appropriately “engaged and
productive.” 567 F. Supp. 3d, at 656. Finally, the question
in this context is not one of no diversity or of some : it is a
question of degree. How many fewer leaders Harvard
would create without racial preferences, or how much
poorer the education at Harvard would be, are inquiries no
court could resolve...
Second, respondents’ admissions programs fail to articu-
late a meaningful connection between the means they em-
ploy and the goals they pursue...
The race-based admissions systems that respondents employ also fail to comply with the twin commands of the
Equal Protection Clause that race may never be used as a
“negative” and that it may not operate as a stereotype.
First, our cases have stressed that an individual’s race
may never be used against him in the admissions process.
Here, however, the First Circuit found that Harvard’s consideration of race has led to an 11.1% decrease in the number of Asian-Americans admitted to Harvard. 980 F. 3d, at 170, n. 29. And the District Court observed that Harvard’s
“policy of considering applicants’ race . . . overall results in
fewer Asian American and white students being admitted.”
397 F. Supp. 3d, at 17...
A benefit to a student who overcame racial discrim-
ination, for example, must be tied to that student’s courage
and determination. Or a benefit to a student whose heritage or culture motivated him or her to assume a leadership
role or attain a particular goal must be tied to that student’s
unique ability to contribute to the university. In other
words, the student must be treated based on his or her experiences as an individual—not on the basis of race.
Many universities have for too long done just the oppo-
site. And in doing so, they have concluded, wrongly, that
the touchstone of an individual’s identity is not challenges
bested, skills built, or lessons learned but the color of their
skin. Our constitutional history does not tolerate that
choice.